Belle-doche

Belle-doche, c'est le rendez-vous bi-mensuel qui permet de mieux comprendre la belle-maternité et qui donne la parole à ces femmes qui élèvent les enfants des autres

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Par Anaïs Richardin
22 nov. · 14 mn à lire
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Maëlle "Ce qui résume le mieux ma belle-maternité c’est d’osciller entre l’envie et le regret"

- poser des limites saines pour une belle-maternité heureuse -

Et bonjour ! 

J’espère que le mois de novembre n’a pas eu raison de votre santé mentale. Si vous vous sentez sur la tangente, une chicorée (j’aime bien être une outsider), un plaid et une bonne comédie devraient vous apaiser un peu (ne me remerciez pas pour le niveau -12 du diplôme de coaching que je n’ai pas et que je n’aurai jamais). Et si vous souhaitez regarder autre chose que les daubasses de Noël qui passent à la télé, j’ai ce qu’il vous faut ! L’une d’entre vous m'a suggéré de faire passer dans “Belle-doche” quelques recommandations de films, de séries, de livres sur le sujet de la famille recomposée.

  1. Je suis ravie de le faire mais la production culturelle sur ce sujet est tellement maigre que je ne pourrai mettre à jour la liste que dans 10 ans, à peu près (liste actuelle non exhaustive à retrouver à la fin de cette newsletter si ça vous intéresse👇🏼 )

  2. Je ne prétends pas être au courant de tout, ni avoir tout lu/tout vu parce que j’ai d’autres préoccupations que la belle-maternité (ouais, on ne dirait pas, je sais ^^) et que celle-ci me définit autant que la couleur de mes sous-vêtements (qui change chaque jour, pour info), alors si j’oublie des choses, faites-moi signe 👋🏻

  3. Parce que le thème de la famille recomposée n’est pas toujours exposé comme tel et se cache parfois sous des couches d’histoires plus juteuses sur lesquelles les éditeurs et distributeurs préfèrent communiquer. En gros, ils sont cotons à dénicher puisqu’il n’y a pas de hashtag #belledoche pour nous guider.

Ajoutez à cela que les films sur la famille recomposée me mettent généralement en colère (représentation erronée de la figure de la belle-mère, des personnages masculins qui n’en foutent pas une que j’ai envie de dégommer toussa toussa.) et ça donne que je ne dépense pas beaucoup d’énergie à fouiner pour dégoter des pépites sur le sujet. Ceci dit, j’ai récemment regardé un film dont il faut que je vous parle : “Le bonheur” d’Agnès Varda, réalisatrice féministe, engagée, qui a aimé des hommes comme des femmes. Bref, a priori un point de vue que je respecte d’emblée. Sauf que. 

Ce film de 1965 dépeint un homme bien tout comme il faut MAIS qui trompe sa femme sans vergogne et sans remord. Il est heureux comme ça. Aimer deux femmes à la fois, quel bonheur et quelle chance ! Aux autres (surtout aux femmes) de l’accepter. Sans vouloir vous spoiler quoi que ce soit, sa maîtresse finit par prendre la place de celle qui est aussi la mère de ses enfants. Et quand je dis “prendre la place” ce n’est pas une manière de parler, elle effectue les mêmes gestes, dans les mêmes décors. Les femmes y sont montrées comme parfaitement interchangeables. La réalisatrice étant ce qu’elle est, j’ose croire qu’elle cherche à dénoncer ce qu’elle montre mais ce n’est pas évident-évident et ce film m’a foutue dans une rage… La première femme est à peine sortie du tableau qu’on voit déjà la nouvelle aller chercher les mômes à l’école, arranger les fleurs sur la table du salon et batifoler sous les draps en lin que la précédente a patiemment cousu. Ce film est hautement dérangeant parce qu’il ne condamne pas ce qui se passe. On pourrait même croire que Varda cautionne ce qu’elle nous montre, mais elle a visiblement choisi une manière plus puissante de nous mettre en action que le dogme et le “c’est pas bien hein'“ : en créant un sentiment de malaise et in fine de dégoût, elle nous donne envie de nous révolter.

Et, si jamais le doute subsiste : dans la vraie vie, les belles-doches n’ont généralement envie de prendre la place de personne. Ni de marcher dans les pompes de l’ex. Et c’est en partie pour ça que la belle-parentalité peut être douloureuse. On ne commence pas une histoire sur une page blanche, on est plus à l’étroit car on tente de construire la nôtre dans un petit cadre dessiné par d’autres. Et puis, certaines mamans ont tendance à penser qu’on est là pour mener à bien un plan diabolique universel : leur Grand Remplacement. Ben non. C’est précisément contre ce genre de cliché de la belle-mère vampire que je m’insurge. On a parfois juste envie de vivre notre vie, comme on l’entend (dans une moindre mesure puisque l’on compose avec les contraintes d’un paquet d’autres personnes que nous-mêmes). La figure de la belle-mère sacrificielle me dérange aussi particulièrement. Avoir envie de bâtir une famille recomposée (avec ou sans enfant “à nous”) ne signifie pas que l’on doit se plier en quatre pour aller chercher les marmots à la piscine et leur cuisiner des crêpes pendant des heures. C’est d’ailleurs ce que nous explique Maëlle dans son témoignage cette semaine : son beau-fils est une crème avec qui elle s’entend super bien, sa vie de belle-mère la rend heureuse, mais elle a posé des limites saines pour elle. Je vous avoue, j’ai hâte de voir sur nos écrans des belles-doches qui sont de vrais personnages crédibles et tout en nuances. Je travaille dessus, on verra où ça mène ;-)

Bonne lecture !


Maëlle a 45 ans, elle vit à Paris avec son compagnon et le fils de celui-ci, qui a 11 ans. Si son quotidien lui est doux et agréable, elle s’interroge sur certains défis de la belle-parentalité : notamment le poids que l’on peut avoir dans l’éducation de nos beaux-enfants.

Maëlle, peux-tu te présenter et nous parler de ta famille recomposée ?

J’ai 45 ans, je vis à Paris et je suis en couple depuis 5 ans avec mon compagnon qui a un petit garçon de 11 ans. Nous habitons ensemble depuis deux ans. Je l’ai rencontré sur internet et il avait précisé sur son profil qu’il avait un enfant. Ça ne me dérangeait pas plus que ça, à 40 ans tu te dis que statistiquement tu vas tomber sur des gens qui ont des enfants (rires). Je n’en ai pas moi-même mais je n’ai aucun souci avec les gamins, je suis trois fois marraine, je suis tante, et on me les laisse parfois pour le week-end donc ce n’était pas un frein. Un truc que j’aimais bien chez lui, c’est qu’il avait son fils en garde alternée complète et je trouvais que c’était valorisable chez un homme, ça aurait été étrange de tomber sur un type qui était père un week-end sur deux, donc on va dire que ça lui donnait quelques points !

Au début, je ne voyais pas mon mec la semaine où il avait son fils. On est rapidement tombés amoureux, c'était assez fort et au bout d’un moment j’en ai eu un peu marre de ne pas rencontrer cet enfant qui était pourtant central dans sa vie. Je trouvais aussi que ce n’était pas très joyeux qu’il lui cache quelque chose d’aussi important. La semaine où il était avec lui, il me proposait de venir une fois qu’il était couché mais j’ai toujours refusé, j’aurais eu l’impression d’être sa maîtresse.

Tu as fini par le rencontrer au bout de combien de temps ?

Au bout de neuf mois. Quand j’ai rencontré mon compagnon, il était séparé depuis deux ans et divorcé depuis un an. Il avait présenté quelqu’un à son fils pendant cette période-là mais ça n’a pas fonctionné et ça s’était mal passé avec le môme donc il a un peu tardé à me le présenter. Comme ils sont très casaniers, il m’a proposé de venir le rencontrer chez eux mais l’idée de se retrouver tous les trois dans le salon à se regarder les genoux, c’était pas possible. J’ai proposé d’aller place de la République à Paris, où il y a une ludothèque l’été. C’était dehors, il y avait des jeux et on a joué une bonne partie de l’aprem, puis on est allés se balader. Il venait d’avoir 7 ans et j’ai fait hyper gaffe à des trucs qui me tiennent à coeur, comme ne pas l’embrasser, ne pas le toucher, le consentement de l’enfant est très important. Bien m’en a pris parce que c’est un petit garçon hyper réservé, qui n’aime pas les contacts physiques, avec personne. On s’observait un peu tous les deux, mais de manière bienveillante, il n’était pas du tout hostile. On est repassés place de la République cet été et il m’a dit “tu te rappelles, c’est là où on s’est rencontrés”’, je crois qu’il savait, à l’époque, que c’était important cette rencontre.

Comment avez-vous noué une relation, comment cela a-t-il évolué après la première rencontre ?

Après la rencontre, je venais dîner chez eux, je ne voyais plus mon mec en cachette, et le môme savait que je venais parfois quand il était couché. Je venais beaucoup en semaine, comme ça ce n’était pas long, c’était par petites touches. Cette partie-là a été assez facile. Mon compagnon cuisine beaucoup et pendant qu’il préparait le repas, moi je jouais avec son fils. C’est un gamin gentil, bien élevé, qui a un bon fond et on s’est rencontrés à un âge où il était semi-autonome de son père. C’est aussi l’âge où tant que tu joues avec lui, ça se passe bien !

Et puis bim il y a eu le premier confinement et on ne s’est pas revus pendant quelques semaines. Il était chez lui avec son père, moi j’étais chez moi et quand ça s’est terminé, on a dû complètement reprendre nos marques. Ils étaient à nouveau fusionnels par exemple. J’ai commencé à passer plus de temps chez eux et à un moment, on l’a emmené chez moi pour qu’il puisse voir où son père passait son temps la semaine où il n’était pas avec lui. Mais il n’avait pas matérialisé ça, que son père avait une vie quand il ne le voyait pas, ça ne l’a donc pas beaucoup intéressé. À la fin de ce confinement, on est partis avec des copains qui ont des enfants du même âge. On part en groupe depuis toujours et on s’est fait une semaine à 3 mais à 20 (rires). Pour le premier été, je ne me sentais pas de passer la semaine tous les trois. Parfois, même le week-end entier pouvait être long. Tu as quand même cette autonomie et cette liberté quand t’es célibataire et là tu te sens obligée de faire des choses le dimanche, de jouer, de sortir. Mais c’est le jeu, si tu veux construire un truc, il faut passer du temps ensemble. 

“Ce qui résume le mieux ma belle-maternité c’est d’osciller entre l’envie et le regret”

Quand avez-vous décidé d’emménager ensemble ?

Le sujet était un peu ambivalent chez moi comme chez mon mec. Ce qui résume le mieux ma belle-maternité c’est d’osciller entre l’envie et le regret. On était arrivés à un moment où je commençais à en avoir marre de faire la tortue, de me trimballer avec mes affaires sur le dos et de ne pas avoir mes fringues, mes trucs etc. Son appart était un peu pourri et quand t’as 40 balais t’as envie d’un peu de confort ! Ne pas vivre ensemble me laissait pas mal d’autonomie mais j’avais le sentiment que notre histoire n’avancerait pas plus si on restait sur cette dynamique. 

On a commencé à se dire qu’on allait habiter ensemble près de chez la mère du petit et puis finalement mon mec a dit non, il avait peur de bouleverser son fils, mais c’était un peu une esquive, à mon avis. Moi je ne savais pas trop ce que je voulais et puis finalement un appartement nous est tombé tout cuit dans le bec, trois chambres, pas cher, près de l’école. Je me suis dit que si là il refusait alors que toutes les conditions étaient réunies, c’est qu’on avait un problème de couple. Mais il a dit oui tout de suite et il en a parlé à son fils. Mon beau-fils est vraiment très gentil mais il n’est pas dans la grande expression de lui-même, il veut tellement faire plaisir qu’il ne dit pas grand chose. Donc il fallait s’assurer qu’il adhère vraiment au projet. Il ne m'a jamais fait la tête, il n’y a jamais eu de rejet mais mon mec a préféré lui annoncer seul pour l’emménagement. Je pense que c’était pour s’assurer que son fils ne soit pas freiné de lui répondre et ne pas me mettre mal à l’aise. Il lui a montré sur Google street view et son fils lui a dit “oh j’ai toujours pensé que les gens qui étaient dans cet immeuble avaient de la chance”, ça rassure, forcément !

“J’ai listé les postes de dépenses et on a fait un prorata qui nous semblait juste. Ça le soulageait aussi de mettre les choses comme ça par écrit, ça envoie le signal qu’il assume pleinement son fils, y compris financièrement, et ça me laisse à ma place aussi”

Avez-vous posé les rôles de chacun avant de faire le grand saut du toit commun ?

La grosse difficulté de mon couple c’est qu’on on éprouve les choses mais qu’on ne les communique pas. Ce qu’on a mis au clair dès le départ, en revanche, c’est tout ce qui était finances. Les femmes s’appauvrissent globalement dans un couple et moi j’étais très à cheval là-dessus, surtout qu’avec mon ex je m’étais vraiment appauvrie. J’ai fait un Excel basique : l'électricité, l’eau c’est 50/50, mais il prend en charge 100% de la chambre supplémentaire pour son fils, pour la bouffe il prend un peu plus aussi. J’ai listé les postes de dépenses et on a fait un prorata qui nous semblait juste. Ça le soulageait aussi de mettre les choses comme ça par écrit, ça envoie le signal qu’il assume pleinement son fils, y compris financièrement, et ça me laisse à ma place aussi. On ne se mélange pas et c’est plutôt sain.

Concernant mon rôle, il ne m’a jamais demandé de “m’occuper” de son fils. Je ne vais pas le chercher à l’école par exemple, sauf pour le dépanner, et dans le quotidien, c’est lui qui s’occupe de lui, moi c’était exceptionnel, uniquement à sa demande et quand c’est prévu etc. Mais du coup il y a quand même eu des trucs un peu absurdes. Par exemple, le matin il dort, donc je fais le café pour deux et je sors le petit-déjeuner pour son fils, mon mec se lève avec les yeux collés en mode “laisse, je vais m’en occuper, c’est mon fils”. Et moi de répondre “ben c’est gentil mais je suis debout plus tôt et on vit ensemble, donc laisse-moi faire pour nous trois”. Sinon, je l’ai gardé deux fois parce que mon mec avait une soirée de boulot, et je ne le fais que quand c’est une obligation, s’il sort avec ses potes ce n’est pas moi qui garde son fils. Le mercredi après-midi, c’est sa grand-mère qui vient le garder chez nous et sinon c’est baby-sitter mais la semaine où il a la garde, il s’organise pour être là. Il y a cette culpabilité du divorce qui fait qu’il maximise son temps de présence auprès de son fils. 

collage papier  : Anaïs Richardincollage papier : Anaïs Richardin

La culpabilité pousse à faire pas mal de choses, et pas toujours les plus positives, est-ce un poids pour vous au quotidien ? 

Je crois qu’à un moment, la culpabilité devient contre-productive pour l’éducation. Je n’ai pas de gosse donc on pourrait se dire que je ne suis pas crédible, ou légitime sur les trucs éducatifs, sauf que là je suis au premier rang et je vois des trucs qui ne sont pas optimaux. Disons que la culpabilité n’aide pas à pousser l’enfant vers l’autonomisation. Parfois je me demande si on n'était pas une famille recomposée, à quel point j’accepterais telle ou telle situation ? Sa mère ne s’est pas remise avec quelqu’un et j’imagine qu’elle est donc très présente pour son fils et mon mec adore garder leur fils auprès de lui, mais ce n’est pas un chat ! Par exemple, il n’est jamais dans sa chambre et il vient systématiquement faire ses activités dans le salon. Il a beau avoir trois tonnes de jouets, il n’a pas investi sa pièce. Quand ils habitaient tous les deux, comme c’était tout petit, ils vivaient collés-serrés et le môme avait la chambre et nous on dormait dans le salon, donc c’était notre seul espace de vie. Je me suis beaucoup interrogée pour comprendre pourquoi ça m’énervait. Ce sont probablement des projections car mes parents ne me laissaient pas trop dans le salon, c'était la pièce des adultes, et si tu voulais jouer tu allais dans ta chambre. Je me souviens de parties de jeux incroyables dans ma chambre, mais là ça ne prend pas car son père le garde auprès de lui. 

J’ai fini par avoir une discussion à ce sujet avec son père, car un soir où je faisais nos impôts, donc un truc sérieux et que mon mec travaillait aussi, son fils tournait autour de nous à ne pas savoir quoi faire de sa peau. Il s’est mis sur le canapé en mode “je vais faire une petite sieste”, sauf qu’il était 19h, donc je lui ai dit “tu ne vas pas rester sur le canap à rien faire, va dans ta chambre et trouve un truc à faire, va jouer”. Le môme a répondu “très bien” et a filé. Son père est allé le voir dans sa chambre pour lui dire “mais tu sais ce n’est pas une punition, on est occupés” mais évidemment que ce n’est pas une punition du tout d’être dans sa chambre, le gamin fait très bien la différence ! Bref, c’est un chat, il se met tout le temps près de nous, il s'assoit, il colle sa cuisse contre ta cuisse etc. Ce n’est pas conscient et je suis contente qu’il se sente bien avec moi, il est content d’être en ma présence et c'est plutôt positif pour nous, pour la famille, mais bon par moment…

“Mes copines m’ont choisie, donc elles m’ont donné une forme de légitimité par rapport à mon intervention, mais avec mon beau-fils c’est beaucoup de circonvolutions pour ne vexer, ne blesser personne”

Est-ce que tu t’autorises à avoir une certaine autorité sur lui ?

Je n’ose pas l’engueuler sur certains trucs parce que je ne voudrais pas qu’il m’aime moins et j’ai peur que son père le prenne mal. Pour mes filleuls ou mon neveu, je ne me pose même pas la question de dire “non je ne suis pas d’accord”. Mes copines m’ont choisie, donc elles m’ont donné une forme de légitimité par rapport à mon intervention, mais avec mon beau-fils c’est beaucoup de circonvolutions pour ne vexer, ne blesser personne. Les seules choses que j’exprime c’est quand je trouve qu’il ne mange pas proprement et que je lui dis “ben non ça ne va pas être possible”. Je ne peux pas manger face à un adulte qui mange mal, avec un enfant c’est pareil. Mon mec sent bien que ça me crispe et donc tout le monde se crispe, mais on ne se reprend pas mutuellement devant le gamin. La seule fois où il m’a reprise, et j’ai trouvé ça hyper injuste, c’était après un week-end à la campagne. Le môme a fait une méga allergie au pollen, il était super mal et je lui ai dit un truc du genre “si ça continue il va falloir t’emmener chez l’allergologue” et là son père de rétorquer “oui, on décidera de ça avec sa mère”. J’ai trouvé ça gonflé. J’ai eu l’impression d’avoir outre-passé je ne sais quoi alors que m'inquiétais juste pour le gamin.

Je ne suis pas dans l’autorité parce que ce gamin est une crème, je parle de choses à son père qui digère et qui en fait ce qu’il veut ensuite. Parfois il fait le débrief avec son fils en mode “ tu sais Maëlle elle a dit ça parce que blabla” et ça m’agace profondément, car moi je n’explique pas tout. Avec moi si c’est non, c’est non et je ne sais pas s’il lui explique parce que c’est moi et que je ne suis pas sa mère ou s’il le ferait même si c’était le cas. Mais je dois pouvoir dire ce que je pense parce que je suis aussi chez moi en fait. 

On sent que ça peut être un sujet de tension, est-ce qu’il y a d’autres points de crispation ? 

Globalement tout va bien mais il y a effectivement quelques points de tension. Quand j’essaye de discuter de grands principes éducatifs avec lui, par exemple, il ne le réceptionne pas bien tout de suite, il se crispe, mais on peut y revenir par la suite. Le gamin est sur-protégé, sur-accompagné. Quand sa mère passe le prendre, son père le descend en ascenseur et quand ils reviennent elle remonte aussi dans l’ascenseur pour le déposer chez nous. Il peut peut-être prendre l’ascenseur tout seul à 11 ans, non ? Alors OK, les parents veulent peut-être se voir mais ce môme n’est jamais seul une minute.
Avant l’été, je me disais : “L’année prochaine il passe en sixième, ça va être sauvage. Il va aller au collège tout seul du jour au lendemain, il va passer des heures tout seul alors qu’il n’a jamais passé 20 minutes tout seul dans sa life” Mais ça ne passe pas quand je dis ça car ça remet en cause l’éducation que mon mec lui donne et il y a ce côté “tu ne comprends pas”. J’avais proposé qu’il aille à ses activités tout seul, de l’école au théâtre il n’y a pas de rue à traverser, ce n’est pas loin et ce n’est que du trottoir en continu, en plus la moitié de ses copains rentrent chez eux, mais non. J’avais proposé aussi de l’envoyer plus souvent à la boulangerie. Son père me disait “je sais bien que tu penses qu’il est infoutu de faire des choses tout seul mais je n’ai pas envie qu’il passe sous un camion”, que veux-tu répondre à ça ? Mais aujourd’hui il fait ses aller-retours maison-collège et tout va très bien !

Et avec sa mère, est-ce que ça se passe bien ?

Elle est tout le temps en contact avec mon mec pour de la logistique mais ils ne sont pas plus copains que ça, ils ne se voient pas en dehors. Quand elle vient, outre le fait qu’elle raccompagne son enfant dans l’ascenseur, je pense qu’elle marque aussi un peu le coup, qu’elle veut montrer qu’elle est là. J’essaie de ne pas me mêler de leurs histoires, on ne va pas se créer plus de difficultés qu’il y en a. Comme le fait qu’il reparte chez elle avec des affaires et qu’on ne les revoit jamais, ce qui est une zone de crispations. On n’a pas de lien et on a un historique un peu bizarre elle et moi. 

Quand j’ai rencontré mon mec début 2019, avant que je rencontre son fils, il arrive un soir en me disant “j’ai proposé à mon ex de te rencontrer, elle a dit non”. Alors, là il y a beaucoup d’infos dans cette phrase et il n’y en a pas une de bonne (rires). T’essayes de ne pas t’énerver, de prendre ça positivement parce que notre relation est importante mais je ne suis pas la nourrice, pas la future baby sitter et il ne faut surtout pas hésiter, quand ça me concerne, à m’en parler avant ! Ça ne s’est donc pas fait mais j’ai rencontré le petit et elle a engueulé mon mec parce qu’il ne lui avait pas annoncé que ça allait se produire. Là-dessus, comme sur d’autres choses, je la comprends un peu, soyons honnête. Il attend toujours la dernière minute pour lui demander un truc. Il a attendu qu’elle fasse le planning des vacances pour lui dire qu’on avait prévu quelque chose depuis huit mois. Son idée c’est que ça va mal se passer, donc il préfère attendre le dernier moment. Sauf qu’effectivement, ça se passe mal et il justifie en mode “ben tu vois, ça se passe mal” (rires). 

Pour continuer sur l’historique, je me souviens d’un Noël qu’on allait faire chez les parents de mon mec et il me dit “c’est hyper embêtant parce qu’elle doit y déposer le petit et on va arriver tous en même temps. Comme elle a dit qu’elle ne voulait pas te voir, c’est embêtant”. Ça faisait un an qu’on était ensemble, mais du coup je fais quoi, je me cache derrière une poubelle ? Ça a changé un petit peu mais pas assez à mon goût. Quand on a emménagé, elle a voulu me rencontrer mais on avait des cartons ras-la-gueule, on avait autre chose à faire. Et puis ça faisait deux deux ans qu’elle ne voulait pas me voir donc je n’allais pas me radiner en courant parce qu’elle le souhaitait. Je voulais surtout m’investir dans cette relation à trois, dans cet emménagement et je n’avais pas besoin d’elle dans l'équation. Je n’avais pas l'énergie psychique de prendre en charge l’ex, sa rencontre. Ca arrivera peut-être plus tard mais je n’ai pas envie d’en faire un protocole.

“Les parents de mon mec sont en contact avec elle, ils continuent de se voir, ce que je trouve plutôt positif et bien, mais du coup c’est la mère, donc elle prime partout”

Ce n’est pas une nécessité non plus…

Non et est-ce qu’on n’est pas aussi dans l’imaginaire de la famille recomposée de série télé, à vouloir que tout se passe bien entre tout le monde ? Moi, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Mon mec l’a épousée à un moment donné et je vois comment est leur fils, donc je suis sûre que c’est une femme formidable. Donc voilà, tout se passe bien, elle doit être rassurée. Les parents de mon mec sont en contact avec elle, ils continuent de se voir, ce que je trouve plutôt positif et bien, mais du coup c’est la mère, donc elle prime partout. C’est la vie aussi : mais la sœur de mon mec et elle sont hyper copines, elles partent en vacances ensemble. Et puis, tous leurs potes sont des potes communs, on va déjeuner avec eux t’as l’impression qu’elle a eu un empêchement et qu’elle aurait dû être là. Elle prime, tout le temps. 

On s’est pacsés il y a un an et il ne lui a pas dit avant, il ne lui a pas annoncé. C’était son choix, mais du coup on n’a pas pu avoir son fils, qui était donc avec sa mère qui ne savait rien. Et on a eu un gros clash parce qu’on a fait une petite fête pour célébrer ça mais il n’a pas invité leurs copains communs pour ne pas leur dire et ainsi éviter qu’ils le lui disent à elle, et ça, ça m’a fendu le cœur. Ca me tue parce que ce n’est pas une histoire de môme, elle est la mère, elle est centrale par rapport au gamin et c’est normal mais le pacs c'est un truc de couple. À quel moment tu ne légitimes pas ma place en faisant des cachotteries ? Ça m'a profondément attristée. “Je n’avais pas envie de la faire souffrir” m’a-t-il dit, mais au risque de me faire souffrir moi donc. J’essaie au maximum de me dire que c’est à mettre à son crédit qu’il soit délicat avec elle mais c’est moi qui devrait primer en fait ! Dans une de tes newsletters, une jeune femme disait “tu passes toujours après les mômes” mais tu ne passes pas que après le môme tu passes aussi après l’ex. Sauf que la vie de famille recomposée, si ce n’est pas plus joyeux que la vie de célibataire, à quoi bon ?

Es-tu soutenue par ton entourage ?

Ça a été très compliqué car je n’ai pas de copines belle-mère. Toutes mes copines divorcent et on parle de la nouvelle, de l’autre, voire de la “pute” et c’est ce que je suis devenue (rires). Là c’est moi la nouvelle, c’est moi l’autre, mais la nouvelle elle est nouvelle jusqu’à quand ? Je ne connais personne dans la belle-parentalité, mais je m’appuie sur mes copines divorcées pour jauger ce qui est acceptable venant de la part de la mère, et ce qui l’est moins. 

Si tu avais le pouvoir de changer quoi que ce soit dans ta famille recomposée, que changerais-tu ?

Je pense que je ne changerais pas grand chose parce qu’on est bien comme ça. Avoir un enfant ça te change une personne et je suis convaincue que le mec que j’aime, je l’aime aussi parce qu’il est père. Je n’ai pas le fantasme de “et si on s'était rencontrés avant” parce que j'aime sincèrement cet enfant. Mais si je devais choisir quelque chose, je dirais que ce serait accélérer le deuil de la relation à l’autre, à la culpabilité. Je discutais avec une copine divorcée, qui s’est séparée du père de sa fille quand elle était tout bébé et elle disait “quand tu dis à un enfant : papa et maman divorcent mais rien n’a changé on reste une famille, ben non c’est faux, tout a changé, papa et maman ne peuvent plus se blairer, on n’est plus une famille, on est des parents avec un enfant et c’est tout”. J’aimerais que tout le monde soit à sa juste place.


Disclaimer : je ne suis pas journaliste pour Télérama et, comme je le disais, je suis très critique envers les films et séries sur la famille recomposée. Comme mon avis n’est que mon avis, je dresse donc ici une liste qui ne reflète pas forcément mes goûts (sauf pour Workin’ moms parce que cette série est fabuleuse). En outre, je n’ai pas non plus vu, ni lu, tout ce qui suit donc je vous laisse juge. Bref, ne m’envoyez pas de tomates numériques si j’ai recommandé une daube 🙈.

SERIES
- Workin’moms (saison 6), 2022
- Week-end family, 2022
- Jeune et Golri, 2021
- La cultissime Notre belle-famille (mais il faut avoir envie de se taper la vibe des années 90), 1991

FILMS
- Les enfants des autres, Rebecca Zlotowski, 2022
- Les enfants, de Christian Vincent, 2004
- Ma meilleure ennemie, de Chris Columbus, 1998

LIVRES
- Faire famille, Sophie Galabru, 2023
- Ma belle, Camille Anseaume, 2022
- Le guide de la super famille recomposée, Claire Hellèle, 2022
- Comment ne pas devenir une marâtre, Fiona Schmidt, 2021
- Le printemps suivant, Margaux Motin, 2020
- L'enfant de l'autre: Petit traité sur la famille recomposée, Catherine Sellenet, Claudine Paque, 2015
- Le complexe de la marâtre, Catherine Audibert, 2004

LIVRES POUR ENFANTS
- L’amie de Papa, d’Angela Portella et Léa Mazé, 2022
- Mandarine, une semaine sur deux, Sergio Salma, 2021
- Ma même pas belle-mère, Mélanie Richoz et Emilien Davaud, 2021

PODCASTS
- “Marâtre ou bonne fée ?”, Passages, 2023
- “Je n’aime pas le terme belle-mère mais j’adore ce rôle”, Alike, 2023 (c’est bibi qui parle)
- The Cool Stepfamily, depuis 2022
- ”Etre belle-mère d’un ado quand tu n’as pas d’enfant”, Histoires de daronnes, 2022 (c’est bibi qui parle)
- “Doit-on aimer sa famille ?”, Émotions, 2021
- Entre, Saison 2, 2021
- Ma belle-mère bien aimée, 2021

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