Belle-doche

Belle-doche, c'est le rendez-vous bi-mensuel qui permet de mieux comprendre la belle-maternité et qui donne la parole à ces femmes qui élèvent les enfants des autres

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Par Anaïs Richardin
6 déc. · 14 mn à lire
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Marine "Je dois apprendre à me connaître dans ce rôle-là"

- changer de vi(ll)e et s'ajuster à la famille recomposée -

Hello ! 

J’ai une confession à vous faire : on ne dirait pas comme ça, parce que je dis des gros mots et que je fais des blagues mais je ne suis pas très souple comme nana, je suis même parfois sacrément rigide. Surtout en ce qui concerne les agendas, les emplois du temps. Les “on a dit qu’on faisait ça mais finalement non” ou “on a prévu un week-end en amoureux mais finalement on sera avec le bel-enfant”. Pour moi, un “oui pourquoi pas ?“ devient une chose sûre et certaine à graver au burin dans l’agenda. J’essaie d’être plus ronde, d’accepter que le programme n’est parfois plus le programme, mais diantre ce que je galère. Je m’améliore, vraiment, mais j’adorerais accueillir la surprise et l’inattendu de manière plus joyeuse. Être d’emblée de bonne volonté, vous voyez le tableau ? 

Bref, il y a eu un changement d’agenda récemment que j’ai réussi à pas trop mal gérer in fine, mais qui, sur le moment, m’a fait vriller. Sauf que ma réaction m’interroge : comment, après cinq ans, je peux toujours faire la tronche comme une môme parce que finalement mon week-end en amoureux me passe sous le nez et se transforme en week-end avec deux ados à la maison ? (OK, dit comme ça on pourrait avoir envie de me plaindre ^^). Si c’était la règle, ça se comprendrait, mais là, ça arrive tellement peu souvent, mon mec fait tellement attention à préserver nos temps à deux, que je pourrais un peu mieux accepter les moments imprévus à trois. Mais non. La pilule est toujours compliquée à avaler. Bref, je me débats et ça en fait un début d’édito ! je crois que pour tout le monde, le sujet des jours de bascule, des jours de garde échangés avec l’autre parent etc. est un sujet on ne peut plus épineux. Notre belle-doche de la semaine a même vu le mode de garde changer : d’un week-end sur deux, à une garde alternée complète. Comment s’est-elle adaptée ? Qu’est-ce qui a changé dans son quotidien, pour le meilleur ou pour le pire ? Vous le saurez en lisant la suite hey hey. 

De mon côté, je me demande comment faire pour que les jours de bascule soient plus fluides de manière pérenne. Qu’on arrête les montagnes russes avec l’alternance de “oh, c’est génial” “oh merde, j’ai envie de partir en week-end”. Que les changements d’agendas se passent au mieux dans ma petite tête. J’y réfléchissais hier soir et je pensais aussi à nos vendredis soirs. Une semaine sur deux, c’est le jour d’arrivée du bel-enfant, une semaine sur deux, je suis comme une camée en manque de liberté qui a du mal à se sevrer et qui cherche sa dose (je grossis volontairement le trait et ce n’est évidemment pas chaque semaine la même chose ;-). J’ai le coeur qui palpite quand j’entends la porte, des sueurs froides quand on se demande “quoi manger ce soir, et demain midi, et demain soir ?”, les mains moites quand je vois ses chaussures qui traînent dans l’entrée… et je me disais qu’il serait peut-être plus simple de basculer le dimanche soir, comme ça on a eu toute la semaine pour se réapprivoiser et se côtoyer en douceur avant de passer l’intégralité du week-ensemble, plus reposés, plus disponibles les uns pour les autres. Je me suis dit que ce serait peut-être plus doux, pour lui, pour nous, de ne pas sauter direct dans le bain bouillonnant de deux jours les uns avec les autres non stop. Mais c’est peut-être une connerie. Peut-être que c’est aussi plus simple pour les mômes qu’on ne soit pas sur leur dos avec les devoirs, le sac prêt pour le lendemain à peine ont-ils passé la porte et que leur jour d’arrivée soit LE jour cool de la semaine où on peut dîner sans pression, faire un jeu, mater un film. Je n’ai pas LA réponse mais je veux bien vos retours d’expérience. Ça se passe comment chez vous ? (comme d’hab, vous pouvez me répondre par mail ou sur la publication Instagram dédiée à cette nouvelle édition).

Et bonne lecture bien sûr !

Marine a 36 ans, elle vit à Biarritz avec son compagnon et le fils de ce dernier, âge de 9 ans. On a parlé du temps, plus ou moins long, nécessaire à la création de ce lien si singulier entre une belle-doche et son bel-enfant et de la manière dont elle a pris une place dans la vie de ce garçon.

Marine, peux-tu nous présenter ta famille recomposée ?

J’ai 36 ans, je vivais à Paris jusqu’à il y a un peu plus de deux ans mais j’ai emménagé à Biarritz pour rejoindre mon chéri, qui a un fils de neuf ans. Je le connais depuis deux ans. On s’est rencontrés à Paris alors qu’il vivait déjà à Biarritz mais il fait beaucoup d’allers-retours pour son travail. Le sujet de son fils est venu très vite parce que c’est une part essentielle de lui. En plus, il était séparé depuis peu de temps quand on s’est rencontrés et c’était un sujet brûlant. Ça faisait partie du tableau, mais je ne dirais pas du “package” parce qu’on a pris notre temps. Il en avait besoin pour savoir s'il avait envie de repartir à l’assaut d’une histoire et moi je considérais que je voyais quelqu’un qui avait un petit garçon de six ans, c’était tout. Puis ça a commencé à avoir un impact de plus en plus important. 

En quelques mois, notre histoire a pris de l’ampleur et est devenue sérieuse à tel point que quand il a cherché à acheter son appart, à créer sa propre maison à lui,  je me suis un peu greffée au projet. Je me suis vraiment installée à l’été qui a suivi et j’ai rencontré son fils à ce moment-là. C’était un peu étrange, délicat, heureusement qu’il y a eu cet été où le temps était plus long, qui a fait qu’on a eu le temps de se dire “ok t’existes, j’existe”.

“J’avais l’impression de ne pas réussir à être au bon endroit, de ne pas être vraiment sympa. Il y a une sorte de  distance, de retenue qui est restée longtemps entre nous malgré les efforts de son père pour créer quelque chose à trois”

 Avais-tu imaginé à quoi pourrait ressembler la cohabitation avec un enfant ? 

J’ai envisagé que tout puisse mal se passer, pourtant j’ai quand même fait mes cartons et je suis partie à Biarritz ! Je suis d’un naturel plutôt pessimiste mais je me suis laissée aller à le faire, je me suis dit que ce serait un peu technique mais que ça irait. Au départ, je n’ai pas passé tous mes week-ends à Biarritz, pour leur laisser un peu de place. Mon principal sujet d’inquiétude a été la création du lien. C’est très long de s’apprivoiser, beaucoup plus long que ce que je pensais. 

Surtout qu’il avait son fils un week-end sur deux et au-delà du fait de la manière dont les choses s’installent au départ, il y a aussi le temps passé ensemble, et si c’est un week-end sur deux, c’est vraiment très peu. Ce peu de temps passé ensemble créait un manque chez mon mec et chez son fils, il y avait une fusion qui se créait au moment des retrouvailles et moi je voulais bien faire, être un peu là mais pas trop là, trouver ma juste place. Les premiers temps, je pensais beaucoup que son fils devait se dire que ça aurait été mieux si je n’avais pas été là. Surtout que j’avais l’impression de ne pas réussir à être au bon endroit, de ne pas être vraiment sympa. Il y a une sorte de  distance, de retenue qui est restée longtemps entre nous malgré les efforts de son père pour créer quelque chose à trois. Mais le mode de garde a changé et mon mec a obtenu une garde alternée complète, donc une semaine sur deux. Ça nous a changé la vie. 

“Cette quête de l’équilibre pour l’enfant, ça supplante tout et ça donne la sensation de ne pas avoir la possibilité d’être un peu désarçonnée”

Un changement de garde, ce n’est pas anodin, comment avez-vous abordé le sujet ?

Depuis le début, je savais que s'il pouvait obtenir la garde alternée,  il le ferait. Ça me paraissait normal et le contraire m’eût inquiété, même si je ne juge personne. Il a longtemps travaillé à Paris trois jours par semaine tout en vivant à Biarritz. Costaud et compliqué pour la garde alternée. Mais pour son boulot, ça s’est transformé en une semaine sur deux à Paris et la garde alternée est donc devenue possible. Au bout d’un an, ça s'est mis en place. Quand il s’est lancé là-dedans, il m’a dit “on reparlera de l’orga plus tard”,  mais finalement, les mois sont passés et on en a pas vraiment parlé. On a beaucoup vécu au rythme de ce sujet, pourtant on a peu parlé de comment je vivais la chose. Je lui ai d’ailleurs reproché cet été, quand j’avais beaucoup de stress en moi, de peur que la garde alternée puisse changer et “casser” quelque chose. Ça a pété pendant les vacances parce que j’étais sous pression et je lui ai dit que je lui en voulais, que c’était difficile en tant que beau-parent d’imposer des choses parce que le bien-être de l’enfant est la priorité mais que j’avais juste besoin qu’il me regarde et qu’il me dise “et toi, ça va ?”. Je sais bien qu’on ne va pas changer les plans mais j’ai le droit de ressentir des difficultés, de me poser des questions. Cette quête de l’équilibre pour l’enfant, ça supplante tout et ça donne la sensation de ne pas avoir la possibilité d’être un peu désarçonnée. 

Ma meilleure pote a un petit garçon, qui avait deux ans et demi quand elle a rencontré son mec et c’est un peu l’idéal de la famille recomposée pour moi. Ils incarnent l’amour et j’étais trop triste que ça ne se passe pas de la même manière pour nous. Je me l’explique aussi parce que je crois que c’est plus facile quand il sont petits. Quand j’ai rencontré mon beau-fils, il était déjà grand, avec sa personnalité, je ne pouvais pas l’amadouer avec des coloriages. Et puis parfois encore aujourd’hui, je m’en veux de mes réactions. Parfois, je n’ai pas envie, je n’ai pas envie de jouer, j’ai juste envie d’être seule, tranquille. 

Ton amoureux comprend-t-il tes réactions ? 

Je pense qu’il sait que ce n’est pas un rôle facile, je pense que ce n’est simple pour personne. Mais c’est aussi là-dessus que j’ai eu besoin de dire les choses cet été. Beaucoup de choses ont changé pour moi depuis lui, depuis eux. C’est mon choix d’avoir déménagé, je le voulais, j’en rêvais même alors ce serait trop facile de lui faire porter le chapeau mais c’est vrai que  je me suis éloignée physiquement de ma famille alors que j’ai une relation fusionnelle avec ma mère et ma soeur, je me suis éloignée de mes potes à Paris, pas mal gens me manquent ici. Et il y avait un peu cette frustration en toile de fond, quand j’ai vu la nouvelle organisation venir où je me suis dit “OK ça fait déjà deux ans que tu es ici et tout prend vachement de temps”, je suis ici chez moi, mais je n’ai quand même pas tous les éléments de sociabilité de ma vie parisienne. Dans la nouvelle orga, il doit passer une semaine sur deux à Paris et la semaine où il est à Biarritz on a son fils, on a donc dû trouver une manière de continuer à passer du temps en amoureux. Je suis proprio d’un appart à Paris, et puisque je suis logée ici, je loge mon mec à Paris en retour. On essaie de faire en sorte que je sois à Paris avec lui au moins une semaine par mois. C’est une vraie logistique mais c’était ça ou la panique de perdre une partie de notre vie de couple en ayant plus qu’un week-end sur deux en amoureux ! 

“Il ne fallait pas créer de frustration, tout devait absolument être cool. Il n'y avait pas de contrainte, pas vraiment de règles et ça me tendait un peu”

Que change la garde alternée dans tes rapports à ton beau-fils ?

Le fait de partager une vie quotidienne change beaucoup de choses. Quand il était là un week-end  sur deux, il y avait un besoin d’optimiser le temps passé avec son papa donc il y avait un effet glue. Tu as envie de dire “hey coucou je suis là” et en même temps pas vraiment, pour les laisser profiter. Comme on ne se voyait pas beaucoup, c’était toujours la fête en mode “on ne va pas s’emmerder avec des choses pas cool”. Il ne fallait pas créer de frustration, tout devait absolument être cool. Il n'y avait pas de contrainte, pas vraiment de règles et ça me tendait un peu. Ça ne veut pas dire que c'est moins la fête maintenant mais on est plus dans un quotidien, on a aussi des moments normaux. On peut commencer à installer des choses, du registre de la règle qu’on n’avait pas mis en place avant. A ce propos, on a eu une discussion sur ma place un peu avant la mise en place de la garde alternée et mon amoureux m’a dit qu’il préférerait que je sois du côté cool de la barrière. Je l’ai mal pris, j'étais en lutte intérieure pour savoir ce que je ressentais, et lui me disait ce qui n’était pas ma place, pas mon rôle. Je peux le comprendre mais ça m’a un peu heurtée. Je ne me suis pas sentie complètement entendue, ni considérée. 

Et puis, ça ne me ressemble pas d'être juste cool,  je suis quelqu’un qui a une vie intérieure un peu complexe et je ne me suis jamais identifiée dans quelque situation que ce soit comme quelqu’un de 100% cool.  Cette dissonance cognitive entre ce qu’on te demande et ce que tu es n’est pas simple à vivre. Je peux essayer mais je ne sais pas comment faire. J’étais emmerdée, au-delà du fait que j'ai été vexée, parce qu’il me demandait un truc que je n’étais pas sûre de pouvoir réaliser. Quand il y a eu le sujet de la garde alternée, il m’avait dit aussi qu’il préférait que je lui dise les choses à lui pour qu’il les dise ensuite à son fils, pour qu’il filtre. Ça m’a obligée à prendre du recul sur certaines choses mais j’ai quand même voulu qu’il y ait quelques règles : débarrasser, mettre les affaires au sale, la base. On a toujours le temps de se brosser les dents et il faut toujours trouver le temps de faire ces trucs aussi. Mon mec s’occupe de plein de choses, je ne suis pas lésée du tout côté tâches du quotidien et je n’ai pas vraiment de charge mentale, il faut le dire, alors le sujet n’est pas que ça me soule de débarrasser l’assiette de son fils, pas du tout, c’est juste qu’il est important pour moi de lui expliquer que l'on vit ensemble, que l’on doit tous contribuer ensemble à une vie sympathique, que chacun doit faire sa part. Qu’il y a une démarche, tous les jours, de mettre son assiette, ses couverts, que sais-je, dans le lave-vaisselle. Je me suis demandé s’il ne fallait pas écrire les règles quelque part mais mon mec trouve que c’est too much. Il ne veut pas présenter les choses aussi frontalement à son fils, ce que je peux comprendre. Il m’a toujours dit qu’on pouvait en parler ensemble autant que je le voulais mais que ce que je lui demande ou ce que je constate ne sera pas forcément suivi d’une application directe. “Ce n’est pas parce que je ne le fais pas que je ne t'écoute pas et que ça ne me sert à rien mais c’est mon fils”, me dit-il. Comme il ne l’a pas vu beaucoup pendant longtemps, il a un rapport très doux, très bienveillant à son égard et il ne veut pas le contraindre.

Son fils est cool et gentil et j’ai remarqué qu’il fallait qu’on lui explique pourquoi on lui demande de faire certaines choses. Il lui faut des responsabilités dont il connaît l’aboutissement et ça fait vraiment la différence. Tout ne va pas changer du jour au lendemain, je sais que comme avec n’importe quel enfant, il faudra continuer à répéter les choses, mais il ne rechigne pas quand on lui demande car il sait pourquoi il les fait. C’est bénéfique pour tout le monde et je m’en veux de m’être frustrée par moment et de ne pas en avoir parlé plus tôt parce que ça passe en fait. Tout n’est pas gagné et je ne serai jamais d’humeur égale mais en vrai ça se passe bien si on explique ses ressentis et autres.

collage : Anaïs Richardincollage : Anaïs Richardin

“Il y a un sujet d’apprendre à se connaître tous et moi aussi je dois apprendre à me connaître dans ce contexte, dans ce rôle-là”

Comment définirais-tu ton rôle de belle-mère ?

Je suis encore une belle-mère en devenir parce que j’ai vraiment l’impression que notre lien continue de se créer en ce moment, tout doucement, après avoir été sur la retenue, l’un comme l’autre, pendant longtemps. Aujourd’hui, il y a une place donnée à ce rôle qu’il n’y avait pas avant. Par moi et peut-être par lui aussi. J’ai presque l’impression qu’on repart, pas de zéro parce que ça fait deux ans qu’on se pratique, mais quand même on se découvre encore. Là, il se passe des vraies choses que j'attendais et que je pensais qui allaient se faire plus rapidement : je participe au rituel du coucher qui a toujours été un moment privilégié avec son père, par exemple. On lit quelques pages d’Harry Potter et je suis là dans la chambre avec eux, on est tous les deux à côté de lui, on est dans un degré d’intimité plus important. Récemment, alors que je lisais, ils ont commencé à se faire des caresses sur le visage avec un doudou et, quand son père a pris son tour de lecture, son fils m’a demandé de lui en faire et m’en a fait aussi. Ça peut paraître anodin mais c’est la première fois qu’il y avait un contact du registre de la tendresse entre nous et ça m’a émue. Il est très câlin avec ses parents mais pas trop en dehors, alors je me suis interdit de l’être au départ parce que je ne voulais pas le brusquer. Avec son fils, les bisous qu’on s’est fait se comptent sur les doigts d’une main. On s’est rencontrés alors que le covid était encore présent, avec la distance que ca implique, et une fois que ça s’est mis en place comme ça, c’est compliqué de changer. Je n’ai jamais voulu de ce genre d’intrusion sans me sentir invitée. Ça a aussi créé cette distance physique, c’est sûr, mais on évolue progressivement. Surtout dans la perspective de créer une cellule familiale élargie. 

Il y a un sujet d’apprendre à se connaître tous et moi aussi je dois apprendre à me connaître dans ce contexte, dans ce rôle-là. Mais apprendre à se connaître c’est la philosophie du temps long. J’étais très impatiente, au début de la relation, d’arriver au bout d’un chemin. J’avais vu cette famille recomposée idéale, et dans les premiers exemples que j’ai trouvés ça se passait hyper bien rapidement. Mais entre ce qu’on montre et la réalité, il y a logiquement un décalage. Ce qui se comprend car c’est quand même délicat de se montrer dans une mauvaise posture parce qu’il y a tout cet imaginaire de la marâtre et donc ça donne envie d’être de l'autre côté du pôle. Dans ma tête, la normalité c’était soit ça se passe terriblement mal, on va à la confrontation en mode “je te déteste t’es pas ma mère”, soit ça se passe vraiment bien, mais il n’y avait aucune nuance là-dedans. Et comme, dans mon quotidien, je ne trouvais pas de nuance, je me suis flagellée. Tous les témoignages ultra positifs donnent l’impression que ce qui est normal, le ventre mou, la nuance, le quotidien n’est pas normal. Donc quand tu te retrouves face à des hauts, des bas, à titre personnel ou dans le couple, des moments où tu oscilles, tu te dis que tu es quelqu’un d’instable mais non c'est juste que c’est comme ça et que ce n’est pas facile. Je suis ballotée entre les événements, les émotions et ta newsletter m’a vraiment changé la vie parce que c’est la première fois où je me suis dit que ce que je vivais était normal. 

Bien sûr que c’est normal ! Tu parlais plus tôt de la perspective d’élargir la famille : avez-vous déjà discuté d’avoir un enfant ? 

C’est aussi une conversation que j’ai eue avec mon mec. Je lui ai tout de suite dit que je voudrais avoir un enfant mais il n’était pas sûr d’en vouloir. Il n’avait pas d’avis tranché. Je lui ai dit que je comprenais mais que si dans trois ans je lui tire sur la manche pour en faire un et qu’il  ne veut pas, ce sera triste pour tout le monde.  C’est une discussion qu’il est difficile d’avoir dès le départ, c’est un peu abrupt et on ne sait pas de quoi la vie sera faite dans trois ans. Je me suis aussi posé la question de savoir si j’en voulais ou pas, c’est quand même un concept d’être responsable de quelqu’un d’autre que de soi-même ! On en a reparlé, on a discuté, on a été francs. C’est un projet qu’on a, on sait qu’on est d’accord. Son fils nous en a parlé à un moment aussi parce qu’on a passé des vacances avec ma meilleure pote, dont je parlais plus tôt, et sa famille. Son fils est grand frère et mon beau-fils s’est dit que ça avait l’air cool. Il en a pas mal parlé et il s’extasie souvent devant les petits.  Avoir un bel-enfant,  c’est un vrai cas d’étude, je me demande si j’agirais de la même manière ou pas. On verra bien le jour où j’en aurai un, peut-être qu’alors les légumes et le temps d’écran ne seront plus aussi important ! Je crois qu’avec un bel-enfant, on est un peu en mode laboratoire. On se dit “ah OK, ça c’est intéressant pour la suite !”.

“Ce n’est pas juste moi qui suis une marâtre ou une mauvaise personne, qui ne suis pas faite pour ça ou autre… c’est juste que ce n’est pas facile ! C’est cool de trouver des gens qui en parlent avec honnêteté”

As-tu pris conscience de certaines choses au contact de ton beau-fils ? 

J’ai découvert une facette de moi. En fait,  je suis restée une enfant. Je pense que c’est parce que j’ai été gâtée par la vie et toujours bien choyée. J’ai eu de la chance d’avoir été bien protégée et je pense que je suis restée cette enfant. Ça, je l’ai vu en vivant avec un enfant. Je comprends très bien ses réactions, parfois ça me fait un effet miroir qui fait qu’elles me tendent un peu. Quand il est frustré pour un truc et que les larmes montent, par exemple. Je manifeste beaucoup par les larmes que je ne gère pas trop et je vois qu’il se passe la même chose chez lui, et ce n’est pas forcément que de la tristesse. Ça fait vriller le cœur de son père de voir son fils pleurer, mais je lui dis parfois que je comprends ce qui se passe, que c’est de la fatigue, de la frustration, pas de la tristesse. Je le sais parce que je me dis que je suis un peu comme lui. Je pense que c'est aussi pour ça qu’il y a eu un peu de confrontation et que j’ai été un peu heurtée par des choses au départ. Je ne sais pas trop ce que je fais de toutes ces infos mais j’arrive à composer avec. On est dans une phase ou ça se passe bien, tout n’est pas acquis mais ça évolue dans le bon sens. La vie de couple c’est quand même un doss’, et la vie en famille recomposée pareil. C’est du réajustement permanent. 

Il y a aussi une difficulté que j’identifie à ne pas être du même genre et avec un petit garçon qui a une relation très forte avec sa maman, il y a aussi tout ce principe de conflit de loyauté que je découvre. Les meilleures ressources que j’ai trouvé pour comprendre certaines choses, c’est via ta newsletter, parce que c’étaient les plus transparentes pour moi. Mon mec est extra, hyper ouvert, il voit bien que ce n’est pas toujours facile et il est d’un grand soutien. Je suis également souvent encouragée par nos proches mais ces ressources m’ont aidé à comprendre que j’ai le droit d’être un peu dans mon coin. Ce n’est pas juste moi qui suis une marâtre ou une mauvaise personne, qui ne suis pas faite pour ça ou autre… c’est juste que ce n’est pas facile ! C’est cool de trouver des gens qui en parlent avec honnêteté. 

Ce n’est pas facile parce qu’on est une bande d’humains qui essaient de cohabiter (et sans l’avoir choisi, parfois). D’ailleurs, à ce sujet, comment cela se passe-t-il avec son ex, avec ta belle-famille ?

La rencontre avec la maman n’a pas été facile, ça s’est passé dans un contexte de conflit avec le papa, j’étais à la maison, elle avait besoin de lui parler mais il n’était pas là.  On s’est parlé mais ce n’était pas un moment  très agréable, ni pour elle, ni pour moi, ni pour son fils qui était là. Elle m’a écrit sur Facebook ensuite en me disant “c’est compliqué mais t’as l’air sympa et ce n’est pas contre toi”. Il a été question qu’on aille prendre un café mais ça ne s’est jamais fait. J’ai vraiment hésité à plusieurs reprises à la relancer mais je ne me suis pas sentie complètement à ma place. Je pense que ce serait cool qu’on le fasse, parce que je pense que ça aide, ça pourrait être un pas. On se croise au quotidien et c’est cordial, on a aussi échangé nos numéros parce qu’il arrive que mon mec soit en train de faire quelque chose et si elle n’arrive pas à le joindre son fils, il y a cette possibilité que ça passe par moi. Je fais attention à être assez réactive sur ces demandes-là. 

Avec ma belle-famille, ça se passe très bien, tout le monde a été sympa et accueillant. Ils ont été nombreux à me dire qu'ils garderaient un lien avec elle, ce qui est normal. Je l’ai compris mais ça vient toujours avec son 10% de “c’est pas facile quand même”. Il y a quelques semaines, on s’est croisées au même endroit, tout le monde est venu la voir, et même s’il n’y aucun souci tu te “dis ah c’est bizarre, ça me fait un truc”. Mais je trouve ça chouette que les liens soient conservés et qu’ils soient là pour elle. J’aimerais que tout le monde soit bien, comme ça ça nous permettrait d’avoir plus de liens et de contacts. J'aimerais trop fêter des choses ensemble mais on n’en est pas là ! Pour l’anniversaire du petit, ils vont déjeuner tous les trois le jour J et ils sont en train d’organiser une fête. Je participe en donnant mes idées mais je n’y serai pas. Je suis quelqu'un de socialement anxieux et tant que je me sais pas validée, pas bienvenue, ce serait douloureux d’y être. Je ne veux pas être là pour être là.

“Ce que j’aimerais c'est que ce soit plus simple quand il s’agit que je m’occupe du petit de temps de temps. Ça l'est pour son papa mais forcément, c’est moins évident pour sa maman”

J'ai l'habitude de terminer cette interview par une question : si tu pouvais changer quoi que ce soit à ta famille recomposée, que changerais-tu ? 

Ce que j’aimerais c'est que ce soit plus simple quand il s’agit que je m’occupe du petit de temps de temps. Ça l'est pour son papa mais forcément, c’est moins évident pour sa maman. Comme je sais que c’est compliqué, je ne suis pas trop en demande alors que je pourrais être plus investie, aller le chercher, aller le déposer, contribuer et j’aimerais que ce soit OK pour tout le monde. Si je faisais ça plus régulièrement, ça éviterait qu’il ait ce petit regard triste, un peu en mode “oh ce n’est pas mon père”, quand je vais le chercher quelque part. C’est ce genre de choses que je souhaiterais, avoir un peu plus d’ancrage au quotidien. Pour le moment, ça rend service quand je le fais mais ça ne fait pas plaisir. Et j’aimerais que ça lui fasse plaisir. 

J’aimerais qu’il y ait plus de facilité aussi, que je ne me pose pas la question de savoir si c’est bien ou pas bien que je fasse ci ou ça. Il y a eu un épisode il n’y a pas très longtemps : puisqu’on est sur les premières fois de la garde alternée, on n’a jamais pris de nounou ou autre, les jours où son fils est là, mon mec est là.  Mais un soir, il n'était pas rentré d’un déplacement pour la fin des cours, donc je me suis occupé de son fils pour le foot, le dîner etc. Son ex lui a reproché de l’avoir laissé à quelqu’un qui n’était pas de la famille et j'avoue que ça m’a fait de la peine et que ça ne me donne pas très envie de faire des choses. J’ai ma responsabilité parce que je me laisse rouler dessus de temps en temps par les autres (rires) mais dans ce contexte, c’est un peu compliqué d’avoir envie de réitérer. 

Et puis, je ne sais pas comment le dire mais la communication est importante. Parfois, à force d’avoir tellement “tabouisé” une chose, quand elle sort et que ce n’est pas le moment, ce n’est pas entendu. J’aimerais qu’on puisse faire des “points route”,  je ne sais pas sur quelle régularité et quel est le contrat mais s’arrêter, regarder l’autre et lui demander comment il va. On est partenaires sur plein d’autres sujets mais sur celui-là, se dire “bon au niveau de la jauge, toi t’es comment ?” ce serait cool parce que tu es sur des sables mouvants quand t’es belle-mère, d’un coup ça devient cool puis juste après ça redevient galère. 

Merci d’avoir lu ce témoignage 🙏🏼


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