- devenir ex belle-mère -
Hello !!!
Trois points d’exclamation, parce que je suis très excitée, alors ça les mérite bien. Je ne sais pas si vous faites partie de l’échantillon recensé cette année, mais moi si (enfin, mon mec). Et quelle joie de pouvoir enfin nommer officiellement mon lien à son fils, lien qui sera PRIS EN COMPTE par l’administration. Vous vous rendez compte ?
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire mot doux (vous attendiez autre chose ?). Ça ne me procurera rien, absolument rien et certainement pas la réduction d’impôts que j’attends beaucoup (ah c’était ça le mot, non ?). Mais savoir que cette question existe dans leur questionnaire, que je vais enfin faire partie des statistiques et que peut-être ils ont modifié leur méthode de calcul pour qu’on ait une photo à peu près précise de la réalité des familles recomposées en France me comble de joie.
Si je suis aussi excitée, c’est aussi parce que je suis présentement en résidence d’écriture en Bretagne (Plounéour-Brignogan forever <3) pour avancer sur ma série. Le pitch ? Un gang de belles-doches se bat pour obtenir une reconnaissance légale des relations qui les lient à leurs beaux-enfants. Grosso merdo. Et alors que ce sujet occupe toutes mes pensées, je me rends compte à quel point les histoires que je recueille par ici me nourrissent. Et celle de Laurie, cette semaine, n’y fait pas exception.
Je me rends également compte à quel point cette question du statut juridique du beau-parent m’importe. Mais pas pour qu’il s’applique à moi. Non, par principe. Parce qu’il est grand temps d’adapter enfin le droit à la réalité des familles françaises, protéiformes, qui font vibrer d’autres musiques mille fois plus intéressantes que la ritournelle rance d’“une famille = un papa + une maman”. Et ne demande pas une zinzinerie qui n’existe nulle part ailleurs hein. Ce droit est déjà une réalité dans de nombreux pays. En Allemagne, le "kleines Sorgerecht" (petit droit de garde, ou droit de garde des petits > allemand LV1 dès 9 ans 😬) permet au beau-parent marié d'exercer certaines responsabilités quotidiennes concernant l'enfant. Au Royaume-Uni, depuis l’élargissement du Children Act, en 2005, l’autorité parentale peut être partagée avec le beau-père ou la belle-mère. Si le sujet vous intéresse, je me permets de vous (re)glisser cette interview que j’ai faite l’année dernière d’une avocate en droits de la famille, sur cette épineuse question du statut légal du beau-parent.
Ce qui est intéressant, c’est que ce statut du beau-parent admet plus ou moins de “cas” selon les pays. La loi suédoise, par exemple, ne reconnaît le beau-parent que dans le cas des enfants nés au sein de couples homosexuels. Si le sujet vous intéresse, une étude de 2009 (je n’ai rien trouvé de plus récent et c’est désespérant) compare les différents statuts qui existent en Europe. Utile pour se rendre compte que la France a encore un sacré train de retard sur le sujet.
Bref, c’est mon dada et si vous avez un avis à partager sur le sujet, rendez-vous sur mon compte Instagram !
D’ailleurs, une petite question : auriez-vous envie/besoin d’un espace de discussion autour de cette newsletter (qui ne soit pas un réseau social géré par un mec qui finance l’investiture de Trump) ? Ça pourrait être un canal Discord, Olvid, ou autre, à nous de l’inventer ! N’hésitez pas à me le dire en répondant à ce mail !
Et cet encart est toujours là pour vous rappeler qu’on aimerait bien sortir de notre dépendance aux réseaux sociaux problématiques, mais que ce n’est pas évident si notre travail reste bénévole et qu’il se perd dans les limbes de vos boites mail. Si vous voulez et pouvez m’aider, voici quelques tips :
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Laurie est la créatrice de M(otherhood), un programme qui accompagne les femmes qui ne sont pas très au clair sur leur désir ou non désir d’enfant (c’est d’ailleurs le sujet de mon prochain projet qui sort le 21 février !). Elle a été belle-mère d’une petite-fille de ses 2 à 9 ans et nous raconte comment elle a géré cette relation mais aussi la rupture avec le père de cette enfant et ses conséquences. Est-on encore belle-doche quand on n’est plus vraiment belle-doche ? Telle est la question à laquelle on tente de répondre !
Laurie, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Laurie, j’ai 37 ans, et j’ai été belle-mère d’une petite-fille de ses 2 ans à ses 9 ans. J’ai connu son père quand j’avais 24 ans, dans le contexte du travail. On était tous les deux en couple à cette époque-là. Moi sans enfant et n’en souhaitant pas et lui était tout juste papa. Pendant des années, nous n’étions qu’une relation de travail. Au début, on a sympathisé et c’est une personne qui a été très présente pour moi lorsqu’en 2012, je me suis retrouvée en convalescence d’une grosse opération. Il y a eu un rapprochement à ce moment-là.
De son côté, ça allait difficilement dans son mariage, la mère de sa fille était très peu présente du fait de sa carrière professionnelle et lui vivait un certain déséquilibre. Il y a eu rapprochement émotionnel et j’ai quitté assez rapidement mon partenaire de l’époque avec qui j’étais depuis 5 ans, mais sans être pleinement bien. J’ai profité de fêter mes 25 ans pour me dire allez hop prends ta vie en main ! Lui avait 37 ans et a aussi commencé les démarches de discussion avec sa femme, pour voir aussi ce qu’elle souhaitait au niveau de son couple. On a pris de la distance pendant 3 mois et au final on a décidé d’avancer ensemble, il s’est séparé de la mère de sa fille et ensuite ça a été un peu précipité pour moi. Quand tu commences une relation, tu as envie de commencer tout doux, pas d'emménager avec cette personne et encore moins avec une petite fille de 2 ans.
Parce qu’il est venu vivre directement chez toi ?
Oui, quand il s’est séparé, il a emménagé chez moi alors que le deal c’était qu’il trouve un appart. Tout se bousculait pour lui, il était resté 15 ans avec son ex-compagne et ça n’a pas été évident. Elle l’a très mal vécu et elle a appelé mon boulot pour se venger, en disant qu’elle menaçait le service dans lequel je bossais de retirer toutes les subventions publiques dont elle avait la charge. Ma directrice m’en a mis plein la figure, elle m’a harcelée en me poussant à la démission pour faute, j’ai été hospitalisée plusieurs fois tellement j’étais défoncée émotionnellement. Ça s'est fini en rupture conventionnelle avec un bon avocat, je n’avais plus la force de batailler. J’ai choisi le chèque et s’est donc posée la question de rester dans cette ville ou de déménager ensemble. Il lui fallait un endroit avec sa fille donc dans un premier temps, il a posé ses bagages chez moi. La petite avait 2 ans et allait démarrer la petite section. Moi je me suis retrouvée projetée dans cet environnement-là très soudainement. Avant ça, je voyais cette enfant le temps d’une aprem, d’une journée, d’une soirée mais on n’avait jamais passé une semaine ensemble. Les temps passés ensemble n’avaient été que des temps plaisir.
C’est là que tu as pris conscience du rôle que tu aurais à jouer dans sa vie ?
Je pense que je n’ai pas pris la mesure de l’aventure dans laquelle j’étais en train de m’embarquer. Ma directrice, dans ses petits mots doux, m’avait dit “tu n’imagines pas la merde à laquelle t’es en train de te confronter”. Elle était elle-même mariée à un homme qui avait 25 ans de plus et ses enfants à lui avaient le même âge qu’elle. C’était la grosse bousculade, pour moi, j’étais prise dans mes sentiments amoureux et j’ai vu ça en mode “ça va fonctionner, ça va marcher, allez on y va”.
Et puis je connaissais la petite, je l’avais rencontrée quelques mois après sa naissance. Il y avait un repas entre des personnes de son entreprise à lui et de la mienne. Donc ça a été un peu ça, notre première rencontre et à l’époque il n’y avait évidemment rien entre nous puisqu’ils n’étaient pas encore séparés quand on s’est vus.
Te rappelles-tu de ce que tu as ressenti quand ils ont emménagé ?
Je me rappelle me rendre compte de la vague qui arrive, du rythme que c’est d’avoir un enfant au quotidien aussi jeune. Je ne sais plus comment la garde était partagée au début, je crois que c’était 3 jours/3 jours. À un moment, alors qu’il s'était complètement bloqué le dos, il a fallu emmener la petite à l’école et là, je me suis sentie super mal. Je n'avais jamais attaché un enfant dans un siège auto ! Et puis, je me sentais mal de me présenter à l’école, je me demandais quel regard on allait porter sur moi, si la maîtresse allait se demander qui j’étais. Il avait passé un coup de téléphone pour la prévenir mais ça me stressait quand même. Finalement, j’ai galéré à accrocher le siège auto mais à l’école ça s'est bien passé ! Je trouvais que l’école, ce n’était pas ma place. Autant un grand parent, un oncle, une tante, on ne va pas trop poser de question, mais là, une belle-mère ou un beau-père, il faut un papier quoi ! Je crois vraiment que ça a été le moment clé symbolique de la vague que j’étais en train de me prendre.
On était à Angers et on a vite déménagé à Nantes. On a cherché un appart avec deux chambres et les moments de friction ont fait leur apparition. On s’est même séparés parce que le contexte était très difficile avec son ex-femme. Elle ne supportait pas la séparation. Elle essayait de me faire vivre sa tristesse par tous les moyens alors que je n’ai traversé aucune difficulté avec leur fille.
Que faisait-elle ?
Elle avait un peu d’influence et quand je me suis mise à chercher un nouveau boulot, si elle pouvait intervenir et faire foirer le recrutement, elle le faisait. Elle relançait mon mec pour rétablir leur couple et lui voulait absolument la ménager. Il ressentait beaucoup de culpabilité. Tellement que lors de la séparation il lui a tout laissé. Il s’occupait beaucoup plus de leur fille qu’elle et il aurait pu en vouloir la garde mais le juge a donné la garde principale à la mère. Ça a été très difficile parce que leur fille réclamait d’être avec son père.
Et moi j’ai dû m'ajuster à cette nouvelle vie. On l’a finalement eue un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Sa mère a essayé de rétablir la relation pendant longtemps, elle appelait très souvent et moi je me sentais menacée. Je veux dire qu'à tout moment, il pouvait faire le choix, pour son enfant, de retrouver une vie de famille. Il me rassurait mais j’étais tellement terrorisée que ça ne fonctionnait pas. L'enfant c’est quand même l’acte d’engagement ultime et j’avais ce sentiment qu’avec cet homme je ne vivrais jamais une première fois. En même temps, je n'avais pas envie de me marier ni d'avoir un enfant alors c'était réglé ! Enfin, c’était très paradoxal dans ma tête. Elle nous a donc mené la vie dure jusqu’à ce qu’elle rencontre quelqu’un au bout d’un an, un an et demi.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton non désir d’enfant ?
Je n’avais jamais voulu d’enfant jusqu’à ce que, quelques années après le début de cette relation, on me diagnostique de l’endométriose. Et c’est venu me titiller quand on m’a dit “bon on vous laisse 6 mois pour avoir un enfant et si ça ne fonctionne pas vous revenez”. Ça a renversé un peu les choses. Quelques mois avant ce diagnostic, il m’avait dit “j’aurais envie d’avoir un enfant avec toi” et moi je lui ai répondu “ah oui mais non moi je pars à Bali là” (rires). C’est là qu’il a compris que je n’étais vraiment pas prête. Quelques mois après le diagnostic, je me suis vraiment posé la question d’avoir envie d'un enfant. J’ai vu une psy qui avait beaucoup d’envies et de projections pour moi. Avec le recul, je vois bien comment il y avait quand même une part d’influence dans sa manière d’aborder les choses.
Que t’a apporté cette relation avec cette enfant ?
5 ans après le début de notre histoire, on a atterri à Paris parce qu’il a eu une nouvelle proposition de poste. J’ai commencé à explorer mes possibilités et j’ai fait un bilan de compétences. J’ai fait le choix de me former à la sophrologie et mon rôle de belle-mère m’a aidée à savoir vers quoi me tourner plus précisément. J’ai choisi de me spécialiser dans l’accompagnement des enfants. Je me suis lancé dans la création de box pour enfants pour développer leur intelligence émotionnelle. C’est vraiment d’être au contact de cette petite fille qui m’a inspiré ça. Je dirais donc que côté professionnel, cette relation a été une vraie ouverture, et puis côté personnel c’était plus une fermeture puisque tu vois moins tes amis.
On avait une relation très fusionnelle avec mon mec à l’époque et ce qui était difficile c'étaient les vacances. Au départ, il y avait un côté amusant à partir à 3, en famille mais j’avais aussi envie de voyager à 2. Comme il n’avait sa fille que la moitié des vacances, il ne posait ses vacances qu’à ce moment-là. Ça a été un gros sujet de dispute. On devait aller à Bali en amoureux par exemple, mais partir sans sa fille le gênait donc il a préféré rester à Paris pour bosser. Je crois qu’il n'avait pas trop apprécié ma réponse à son “j’aimerais un enfant avec toi” et moi “ah non, je me barre à Bali”. Au tout début de la relation, on est partis à Istanbul et au Portugal ensemble mais après on est systématiquement partis à 3. Et le voyage était toujours un sujet de conflit. Il n’y avait aucune ouverture possible, chacun tenait sa position. Il avait 5 semaines de vacances, ses 5 semaines étaient pour sa fille et c’était comme ça.
Aviez-vous d’autres sujets de conflit ?
Quand on a déménagé à Paris, il a réclamé la garde exclusive de leur fille. Il voulait avoir sa fille à plein temps, même si son ex refusait systématiquement. Ça m’engageait dans une relation différente et je crois que s’il l’avait obtenue je me serais barrée. Je crois que je n’aurais pas pu vivre à plein temps avec une enfant et ce n’est pas du tout par rapport à la petite fille qu’elle était, parce qu’elle était géniale, mais c’est tout ce que ça réveillait en moi psychologiquement.
Voir un père se battre pour la garde de sa fille, pour lui offrir une vie agréable, paisible. Voir les cadeaux qu’il lui faisait, les McDo qu’on mangeait tous les week-ends, alors que je suis végétarienne, pour lui faire plaisir… Le voir si aimant, c’était difficile. Il y avait une partie de moi qui hurlait à l’injustice. La petite fille en moi était jalouse de ne pas avoir eu ça. Cette gamine n’y était pour rien et heureusement qu’elle a pu vivre ça, mais je me demandais toujours si elle se rendait compte de sa chance. Je crois que je n’aurais pas supporté d’être confrontée à cet amour-là au quotidien. Un week-end sur 2 ça me laissait le temps de m’en remettre.
collage mixte : Anaïs Richardin
Quelle relation entretenais-tu avec sa fille ?
Il y avait des vrais moments de partage, des moments très chaleureux, j’ai su prendre ma place émotionnelle auprès d’elle. On faisait des activités manuelles ensemble, je lui transmettais ce que j’avais adoré faire lorsque j’étais enfant. Je l’ai emmenée faire de l'équitation parce que j’en faisais petite et elle n’avait pas trop aimé ça. Aujourd’hui elle en fait 3 fois par semaine ! Je lui ai transmis le féminisme aussi, j’ai essayé de lui montrer l’ouverture et de la sortir des normes qu’on essayait de lui imposer. Quand ses grand-parents lui disaient “ah ben plus tard quand t'auras un amoureux”, et que je rétorquais “ça peut aussi être une amoureuse”. Quand elle voulait devenir chanteuse et que les adultes lui disaient que ce n'était pas un métier.
Il y avait aussi des moments de friction car elle avait des traits de personnalité, de caractère qui étaient ceux de sa mère et ça me mettait en tension. Ça me demandait un effort, alors que la pauvre n’y est pour rien ! Son père a beaucoup pris sa place par rapport à la logistique et jamais je me suis dit que je gérais des choses que je n’aurais pas dû gérer. Je passais plus du bon temps avec elle même si j’ai aussi géré les bains, les repas, et l’école quelques fois.
Au tout début, je n’étais que l'amoureuse de papa mais j’ai pris ma place au fur et à mesure. J’ai voulu me renseigner sur comment se positionner, quelle place prendre et ce rôle a occupé beaucoup de mes séances psy ! J’ai lu un livre et je me souviens m’être dit “oh mon dieu c’est vraiment ça que je vais vivre ?”. Dans ce livre, l’autrice disait que la mère serait toujours là, elle peignait des relations très difficiles avec l'enfant, en disant que l’enfant détesterait forcément la belle-mère etc. Ça m’a paniquée et je ne l’ai pas terminé.
Vous avez fini par rompre, comment as-tu vécu la rupture familiale ?
J’étais tellement dans la souffrance de la perte du lien amoureux que je n’ai pas pris conscience tout de suite de la perte du lien avec sa fille. Lorsque la rupture s’est amorcée, il y avait cette histoire d’avoir un enfant ensemble ou pas. Mon diagnostic avait rouvert la discussion. Le questionnement était tellement fort pour moi que j’ai pu avoir une posture en mode “de toute façon je serai une mauvaise mère”, pour lui couper toute envie d’avoir un enfant, tout en lui demandant de se positionner pour moi. Il a donc logiquement fini par me dire “non je ne veux pas d'enfant avec toi”. Sauf que j’ai eu un retard de règles et qu’il m’a dit “je te préviens si t’es enceinte, tu avortes tout de suite”. Je l’ai très mal pris et je lui dit qu’il ne fallait plus qu’il compte sur moi pour m’occuper de sa fille. Mais la période était très difficile, il était en plein burnout et en dépression car son frère venait de se faire assassiner. Il est tombé sur une psychiatre assez tordue qui lui a dit de se séparer de moi. C’est bien connu, c’est le rôle d’un·e psy de donner des conseils à suivre. Ça a commencé à déliter les choses et moi, je n’arrivais pas à être à ses côtés. Je n’y arrivais plus, je ne pouvais pas le soutenir et on s’est dit qu’on prenait un mois pour réfléchir chacun de son côté.
Je suis partie en voyage et sans contact, sans rien, j’ai pu prendre conscience qu’il n’y avait plus sa fille dans ma vie non plus. Quand on s’est revus, j’ai voulu poursuivre cette relation parce que toujours amoureuse et que j’avais une bonne peur de l’abandon mais au final pour lui c’était fini. Il a fallu organiser le déménagement et j’ai pu choisir : rester à Paris ou déménager ailleurs. Je suis retournée vivre à Nantes et là, ça a été le nouveau départ.
J’ai trouvé ça très injuste de sa part de couper le contact avec sa fille. Quand j’ai vu les mouvements pour une reconnaissance des beaux-parents, je me disais que c’était légitime et qu’il fallait faire évoluer la société. J’ai quand même vécu 7 ans auprès d’elle ! Et même pour elle, je n’ai jamais pu lui dire au revoir et je ne l’ai pas revue pendant des années. Elle m’a vue et puis d’un coup, elle ne m’a plus vue. Je me posais beaucoup de questions et je culpabilisais de ne pas avoir pu lui expliquer pourquoi elle n’allait plus me voir. J’ai su l’année dernière ce qu’il lui avait dit, parce que ça m’inquiétait aussi qu’il ait pu faire porter la responsabilité de mon côté. Je ne voulais pas du tout qu’elle croit que je l’avais abandonnée du jour au lendemain, surtout qu’un enfant porte souvent une responsabilité de ce qui se passe dans un couple.
As-tu essayé de la contacter ?
On s’est séparés en février 2019 et en septembre, il m’a recontactée pour pouvoir discuter. Il voulait redémarrer la relation mais moi j’en étais sortie. Il l’a très mal pris et m’a bloquée de tous les côtés. J’ai voulu envoyer un mot à sa fille pour Noël, puis pour son anniversaire, lui montrer que je pensais à elle. Je ne savais plus comment me positionner : allais-je faire du mal à cette petite fille ? Est-ce que je sortais de mon bon droit ? Et puis 3 ans après, il m’a écrit un mail pour me donner des nouvelles d’elle et savoir comment j’allais. On a repris contact progressivement et il m’a invitée à son anniversaire l’année dernière.
Elle avait grandi de je ne sais pas combien de centimètres. 14 ans quoi ! Tu quittes une enfant de 9 ans toute petite et là tu as une jeune femme devant toi. Tous ces changements et transformations physiques, ça bouleverse. Le contact est revenu très facilement, et on est même allées faire du cheval ensemble. Elle a partagé des choses dont elle se souvenait, des onomatopées que je pouvais utiliser au quotidien, elle m’a reparler de féminisme et était super heureuse de me dire qu’elle avait été à la gay pride.
Qu’as-tu ressenti quand tu as reçu l’invitation ?
Sur le moment c’était très clair, j’avais très envie d’y aller, mais une heure avant je me suis dit “mais qu’est-ce que je suis en train de faire ?”, j’étais en plein doute. Au final, je ne regrette pas du tout d’y être allée. C'était chouette et j’ai pu lui assurer que je l’avais aimée et que je pense toujours à elle.
On continue d’échanger de temps en temps par message. Quand elle va faire du cheval, elle m’envoie ses vidéos de compet ou de choses comme ça. On est allées dîner et le serveur a dû faire une réflexion et elle lui a dit “ c’est mon ex belle-mère !”. Je suis donc l’ex belle-mère de la petite fille qu’elle a été et j’aime bien me dire qu’aujourd’hui je suis une copine de loin, un autre modèle de femme que ce qu’elle a pu avoir dans son entourage. Elle a un téléphone depuis quelques années et ça nous permet de garder contact et de le faire indépendamment du lien avec son père. C’est bien qu’il lui ait autorisé ça.
Que conserves-tu de cette histoire ?
Petite, je disais que je n’aurai pas d’enfant mais que j’adopterai. Je me dis que la rencontre avec cette petite fille, c’était peut-être ça l’adoption. En revanche, je sais que me remettre en couple avec quelqu’un qui a un enfant c’est plus jamais ! Bon, je mens, avec un enfant âgé pourquoi pas mais avec un enfant qui vit encore sous le même toit, non, plus jamais. J’ai aimé l’expérience mais je sais tout ce que ça implique et je ne suis pas capable de le faire une deuxième fois. Si j’avais un enfant et que les choses étaient plus équilibrées pourquoi pas, mais c’est tout. Aujourd’hui, j’accompagne des femmes en réflexion sur leur désir de devenir mère ou pas. Ça me permet d’offrir l’espace neutre, sans jugement, sans projection, que j’aurais aimé avoir à l’époque.
Une question, un témoignage à me transmettre ? Écrivez-moi à belle.daronne@gmail.com !