Les belles-doches et l'argent

Sur l'épineux sujet des finances en famille composée

Belle-doche
5 min ⋅ 12/03/2025

Bonjour à toutes et tous,

C’est une édition un peu particulière que je vous propose aujourd’hui : déjà parce que j’ai eu un souci d’orga et de validation avec l’interview du jour et aussi parce qu’un documentaire auquel j’ai participé, va sortir, et que les réseaux sociaux s’enflamment (oui j’exagère 🤓). Alors je me suis dit que ce serait bien d’en parler et de faire le point sur l’épineuse question qui m’a valu de nombreux commentaires pas toujours très sympathiques.

Le documentaire
« Belles-mères : la place empoisonnée » sera diffusé sur Teva mercredi prochain. Pour donner envie aux téléspectateurs et téléspectatrices de le découvrir, la chaine en a extrait un réel dans lequel je parle de l’importance du sujet financier en familles composée. Pourquoi ? Parce que comme l’expliquent Lucile Quillet (Le prix à payer) ou encore Titiou Lecoq (Le couple et l’argent), les femmes se font AVOIR par le couple hétéro. Je ne vais pas vous résumer leurs ouvrages, surtout qu’il existe une excellente version BD du Prix à payer, signée Tiffany Cooper et que franchement, j’ai envie de la glisser dans toutes les mains. Mais le couple nous coûte cher et les inégalités ne disparaissent pas miraculeusement parce qu’on est une femme en famille composée (elles ont plutôt tendance à s’additionner).

Une étude BNP Paribas x Les Glorieuses qui vient de sortir, permet de prendre conscience de l’ampleur du problème. Là encore, il n’y a pas de statistiques dédiées à la famille composée et c’est bien dommage mais ce qu’elle nous dit est éclairant. Aujourd’hui, près d’une femme sur 4 est victime de violences économiques de la part de son partenaire actuel. Parmi les violences recensées, il y a notamment le fait que “votre conjoint insiste pour que vous fassiez 50/50 sur les dépenses du couple alors qu’il/elle gagne nettement plus que vous”. Une violence qui pourrait, dans nos cas, être assortie de “votre conjoint insiste pour que vous fassiez 50/50 alors qu’il a deux enfants à charge”.

Puisque la famille composée est dans l’angle mort de la recherche économique et sociologique, on n’a pas de données chiffrées concrètes qui nous permettraient de prendre conscience de toutes les inégalités et violences qui se jouent au sein de nos foyers MAIS qu’il faut absolument prendre conscience de tout ce à quoi nous participons volontairement ou non, pour mieux répartir la charge financière. Voilà grosso modo ce que j’ai eu le malheur d’expliquer dans le documentaire. J’ai cité quelques exemples et j’ai invité les personnes “composant” à aborder ce sujet et à ne plus le laisser de côté. L’autruche qui met la tête sous le tapis c’est pratique un temps mais un jour il faut se coltiner LA discussion, surtout si on se sent lésée.

Petit florilège des réactions :

Je ne vous demande pas d’aller prendre ma défense mais si jamais vous avez envie de participer au débat, N’HÉSITEZ SURTOUT PAS !

Il y a évidemment autant de manières d’aborder les choses que de familles et d’individus mais le sujet financier est essentiel. Et ce qui me choque, c’est de voir à quel point il y a une confusion absolue entre le soutien financier et “l’accueil” des enfants (j’en reparle un peu plus bas 👇🏼).

Ce que je remarque aussi au fil de mes prises de parole, c’est que la belle-mère est un épouvantail qu’on agite pour faire peur aux bons papas et aux bonnes mamans. “Si vous n’êtes pas sages, vous allez vous séparer et une affreuse belle-mère entrera dans la vie de vos enfants”. Ces commentaires sont bien souvent le fruit d’une méconnaissance totale du sujet par les personnes qui les portent et d’une angoisse que cela puisse leur arriver.

Une maman que je connais et qui lisait Belle-doche, m’a un jour dit avoir arrêté de me lire parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de se projeter dans un futur dans lequel ses enfants seraient en partie élevés par une autre. “J’arrête de te lire parce que j’ai trop peur que ça m’arrive”. Les belles-doches que nous sommes cristallisons toutes les peurs de celles et ceux qui viennent déverser leur fiel sur les réseaux sociaux.

C’est dire le travail qu’il y a à abattre pour démontrer que cette réalité, qui est celle d’un nombre croissant de familles, n’est pas une vie au RABAIS. Bien sûr, personne ne souhaite une rupture tant que tout va bien, mais une famille composée n’est pas une famille en soldes sur Wish (ce qui doit dangereusement s’approcher de 0 vu les prix de base). Et oui les enfants peuvent être plus heureux avec des parents séparés mais joyeux et des beaux-parents qui enrichissent leur rapport au monde. Je comprends que ça puisse être violent à recevoir quand on est parent mais c’est la réalité, et là encore, autrucher n’est pas très mature (non autrucher n’existe pas, referme ce dico) et ne solutionne rien.

Bref, j’avais envie de partager ça avec vous et je me suis dit que ça valait le coup de vous glisser ici un article que j’avais écrit sur le sujet.

Où passe l’argent des belles-doches ?

En 2023 déjà, j’ai écrit un article à ce propos pour le super média Plan Cash, qui oeuvre pour l’indépendance financière des femmes. Je me permets de m’auto-citer :

Parler d’argent dans un couple n'est pas toujours évident. Mais parler d’argent quand on est belle-mère, bonjour la galère. “L’intérêt pour l’argent que peuvent manifester les femmes est interprété comme une jauge négative de leur degré d’attachement, de confiance et d’amour pour l’autre et le couple. C’est un indicateur de leur réticence à laisser leur individualité gentiment de côté au profit du “nous””, regrette Lucile Quillet dans Le prix à payer. Ce qui est vrai dans un couple sans enfant est ô combien plus vrai dans un couple avec un enfant issu d’une précédente union. Oser parler d’argent quand on est belle-mère, faire les comptes, s’interroger sur l’équité de faire 50/50, c’est prendre le risque de passer pour la grincheuse grippe-sous qui n’apprécie pas son ou ses beaux-enfants, alors que tout ce que l’on souhaite, ce sont des bons comptes qui font de bons amants (remarquez, si c’était si simple, ça ferait longtemps que l’appli Tricount serait le ciment du couple).

Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez cliquer sous ce bouton pour lire l’article dans son intégralité :

Et comme je vous sais parfois pressées, en voici un grossier résumé :


En Bref. Dans les familles recomposées, les belles-mères font face à un défi financier souvent invisible : participer aux dépenses pour les beaux-enfants sans reconnaissance fiscale ni sociale, tout en risquant d'être perçues comme "grippe-sous" si elles osent parler d'argent.

Tabou financier. Oser faire les comptes quand on est belle-doche, c'est faire preuve d’un égoïsme sans nom (hum ok) ! Un seul mot sur le budget et hop, on vous colle l'étiquette de marâtre insensible. L'équation est simple : parler argent = manquer d'amour, selon une formule magique tirée de je ne sais quel bouquin vendu à 3 milliards d’exemplaires. Une pression qui complique les discussions nécessaires sur la répartition équitable des dépenses et qui créé un cercle vicieux où l’on finit le plus souvent par la boucler sur le sujet.

Double peine. Les belles-mères subissent un double appauvrissement : d'abord en supportant les coûts quotidiens comme les courses alimentaires, le loyer plus important (1 pièce en plus par enfant ça peut vite coûter un rein) mais aussi en s'ajustant aux contraintes financières de leur partenaire et en compensant d’une manière ou d’une autre, les dépenses qu’il assume pour son enfant. “Au-delà des courses, il y a aussi le fait que parce que mon compagnon a de grosses dépenses pour les enfants, et qu’il ne peut pas payer certaines choses, je vais compenser et payer plus que lui”, témoigne Caroline.

La charge. 72% du travail domestique non rémunéré est réalisé par des femmes, pour une valeur estimée à 210 milliards d'euros selon le cabinet McKinsey. Cette statistique, bien que ne ciblant pas spécifiquement les familles composées, illustre l'ampleur de la contribution économique invisible des femmes au foyer. Et spoiler alert, la famille composée n’améliore pas miraculeusement les choses ;-)

Excel power. Les bons comptes font les bonnes belles-mères ! Quand le sentiment de se faire plumer devient trop pesant, rien de tel qu'un bon vieux tableau Excel pour remettre les pendules à l'heure. Ou un Tricount, pour mesurer, au moins dans un premier temps, qui contribue à quelle hauteur. Et parfois, avoir des chiffres concrets sous les yeux permet de se rendre compte d’une réalité qu’on avait mal évaluée.

Comment font les autres ?

Le sujet de la charge financière revient très régulièrement dans mes interviews ici car il me semble essentiel de matérialiser cet autre impensé de la famille composée. Voici quelques témoignages qui apportent une réponse à la question “comment gérer ?”

Julie "Notre fille est en colère de ne pas voir plus souvent son frère"

Maëlle "Ma belle-fille me fait énormément évoluer sur ma vision de la maternité"

Lucile "Le remariage n’est pas un moment facile mais ça pose un cadre familial"

Clémence "S’ils ne me laissent pas prendre une vraie place dans leur cercle familial, je ne peux plus m'en occuper"

Adeline "Cette non animosité qu’on a entre adultes facilite la relation avec l'enfant de mon mec"

Marine "Je souffre encore de la comparaison avec son ex"

Allez, bisous et courage !

Belle-doche

Par Anaïs Richardin

J'ai 37 ans, je suis autrice et journaliste et depuis quelques années, j’ai mis un pied dans la fiction. Roman, scénario, podcast, newsletter... j'explore différents sujets et des formes diverses pour raconter des histoires, vraies et un peu moins vraies, avec cette envie nichée au creux d'ouvrir, chez les autres, des petites fenêtres restées closes.

Je vis avec un ado que je n’ai pas mis au monde et j’ai eu envie, en 2022, de tendre l'oreille et mon micro à toutes ces femmes qui vivent, elles aussi, avec les enfants des autres et auxquelles je donne la parole dans "Belle-doche".

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