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Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue à la marée, belle et joyeuse (c’est pas l’Amoco Cadiz) d’abonnées fraîchement arrivées ici ! J’ai eu l’immense joie de voir cette petite newsletter citée dans Elle la semaine dernière et dans les ressources recommandées par Élise, du compte Instagram The Cool Stepfamily et bim bam boum, vous êtes plus d’une centaine à avoir rejoint nos rangs en quelques jours !
Si vous n’avez pas envie ou le temps d’aller lire mon”manifeste”, je vous refais un peu le pitch : ici, on se raconte nos vies de belles-daronnes, nos galères, nos joies aussi, et on le fait avec tout le franc-parler et l’honnêteté que l’écrit permet. Lorsque j’ai créé Belle-Doche il y a quelques mois, j’en avais un peu ma claque de ne voir que des récits de familles recomposées dans lesquelles tout se passe merveilleusement bien, soit parce qu’on a retourné le tapis pour cacher les accrocs, soit parce qu’il nous est très difficile de parler de nos difficultés et qu’on est devenues des as en matière de grands sourires et de “oui oui tout va pour le mieux ” alors qu’on reniflait encore aux toilettes 3 minutes plus tôt. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas, vraiment, des réussites en matière de recomposition familiale, comme en témoigne Emma dans l’édition du 20 janvier, mais ce que je veux dire, c’est que c’est un peu pénible de ne lire QUE ça. Parce que ce que ça nous renvoie, c’est que comme nous on n’y arrive pas toujours, on est forcément des ratées ! Et bien que nenni mes soeurs 🙏🏼. Et lorsque tout ne se passe pas au mieux et qu’on ne se trouve pas toujours très bonne dans ce rôle cela ne fait pas pour autant de nous des marâtres acariâtres et viles.
C’est ce que j’aimerais donner à voir avec toutes ces femmes qui témoignent ici : il n’y a pas UN modèle de famille recomposée, il n’y a pas UN carénage rutilant de belle-doche 2000 à avoir absolument tout comme il n’y a pas qu’une seule version de nous-même qui traverse les années. On change, on évolue, on se transforme. La famille recomposée est protéiforme et nos manières d’être des belles-daronnes aussi, loin des étiquettes et des yakafokon. Emmanuelle nous emmène ainsi sur les traces de sa belle-maternité, d’une première expérience idyllique -jusqu’a ce que son bel-enfant ne lui donne plus de nouvelles- à son expérience actuelle, qui a démarré sous les meilleurs auspices avant de se compliquer. Tout passe. Les mauvais moments comme les bons. Profitez des vôtres et protégez-vous lorsque c’est nécessaire. Kiffez chaque doux moment que votre journée vous apporte et prenez du temps pour vous. Bienvenue chez Belle-doche !
Je suis belle-mère de ces deux enfants depuis 2 ans et demi mais ça fait 6 ans que je suis en couple avec leur père. Je considère qu’on est vraiment belle-mère à partir du moment où on emménage ensemble. Avant ça, j’ai été belle-mère d’un autre enfant, qui avait 7 ans et moi 28 quand on s’est connu. Je suis restée 8 ans avec son père, qui est aussi le père de mon fils qui a aujourd’hui 13 ans. Donc la famille recomposée je connais, aussi parce que je viens de cette configuration-là aussi. Mon père est décédé quand j’avais 5 ans et j’ai donc connu deux beaux-pères étant enfant. Un premier homme qui était le compagnon de ma mère mais qui n’a jamais vraiment été un beau-père et mon beau-père actuel, que je connais depuis que j’ai 13 ans et avec qui j’ai connu la famille recomposée en vivant avec ses enfants, mes quasi frères. Je connais donc les bons côtés mais aussi les mauvais côtés !
La première fois que j’ai été belle-mère, j’ai été plutôt rassurée par le fait que l’homme que j’avais rencontré avait un enfant. Il avait huit ans de plus que moi et ça faisait de lui un homme a priori stable, a priori sérieux, engagé. On a emménagé quasiment tout de suite ensemble, pour diverses raisons, et j'avoue que ça n’a pas été si difficile que ça. J’ai d’abord été dans un rôle ludique, de partenaire de jeu et ce premier bel-enfant m’a investie tout de suite d’un rôle très affectueux, on passait du bon temps ensemble. Cette expérience-là m’a fortement influencée car depuis que je suis séparée de son papa, je ne le vois plus. Il a 23 ans et ne me donne pas de nouvelles, je n’ai pas de retour à mes SMS. Donc la belle-mère que je suis aujourd’hui trouve que c’est compliqué d’investir ce lien avec ses beaux-enfants, car je sais qu’à tout moment ça peut s’arrêter net. Je me suis énormément investie auprès de mon premier bel-enfant et ça a été une vraie claque pour moi de ne plus exister ensuite.
Ce n’est pas que je prends des précautions mais ça a mis quelques freins, oui, je ne veux pas souffrir encore pour des enfants qui ne maintiendront pas le lien. Pourtant, au départ avec mes beaux-enfants actuels, j’ai énormément donné, c’était naturel. J’ai donné de l’affection, du temps, de l’énergie. J’ai voulu tout de suite compenser le manque de sécurité affective que je percevais chez eux (peut-être à tort), je me suis jetée à corps perdu dans cette relation avec les enfants. Mais j’ai déchanté quand on a emménagé ensemble. Avant, on se voyait le week-end, pendant les vacances et ça se passait très bien. Mais vivre au quotidien avec eux s’est révélé difficile. Avec mon mari, on n’est pas forcément en accord sur les principes éducatifs par exemple, et ça a été une vraie désillusion. Je me suis de nombreuses fois dit que si un jour on se séparait, ce serait à cause des enfants, non pas que ce soit de leur faute, en aucune manière, mais toutes les disputes sont à leur sujet. Je me suis donc un peu désinvestie et je suis passée du stade de vouloir sauver les enfants à être là quand ils ont besoin mais sans mettre la même intention qu’avant. J’ai aussi souffert de me prendre des yeux qui se lèvent et des souffles qui se perdent, des remarques désagréables, un manque de reconnaissance de leur part. Je leur fais à manger, des câlins, je suis la confidente si besoin mais je ne cherche pas plus, surtout plus à vouloir les “réparer”.
Oui, être maman ne m’a pas aidée dans mon rôle de belle-mère. Chaque jour je vois la différence criante entre l’amour que je porte à mon enfant et celui que je porte à mes beaux-enfants. Et je vis cette différence comme un conflit de loyauté, comme celui que les enfants peuvent avoir à l’égard de leurs parents et beaux-parents. On oublie de parler de celui des mamans ou papas qui sont beaux-pères ou belles-mères et qui culpabilisent de ne pas accorder du temps à leur enfant biologique parce qu’ils passent du temps avec leurs beaux-enfants. L’inverse est vrai, parfois je culpabilise vis à vis de mes beaux-enfants de ne pas leur apporter ce que j’apporte à mon fils. Finalement c’était plus simple dans ma première belle-maternité ! Même si j’ai aussi vécu un changement quand mon fils est arrivé et que j’ai vu la distance que ça a créé avec mon beau-fils de l’époque. Au départ, j’ai culpabilisé de ça et puis je me suis faite à l’idée que de la même manière que les beaux-enfants ne nous aiment pas comme leurs parents, c’est pareil pour nous !
collage original : Anaïs Richardin
On a les enfants une semaine sur deux et on a fait le choix de les avoir en même temps, on a donc une semaine en amoureux et une semaine à cinq. Ce qui est assez difficile à gérer parce qu'avoir les enfants tous ensemble crée des jalousies. J’accorde beaucoup d’importance à passer du temps seule avec mon fils par exemple mais pour mon mari, les temps en famille suffisent et il n’a pas conçu que prendre du temps avec ses enfants individuellement pouvait être important. Il y a donc des tensions : mes beaux-enfants se sentent parfois délaissés et mon mari a pu parfois être jaloux de la relation que j’ai avec mon fils.
Et puis, une semaine sur deux on est complètement envahis dans notre espace, ça change au niveau du bruit, de la place de chacun, avoir sa place quand on est deux c’est évident, pas quand on est cinq. J’ai vécu seule avec mon fils pendant six ans et on a défusionné brutalement en emménageant tous sous le même toit. On a dû faire le deuil de cette relation fusionnelle.
Bien sûr ! Parce qu’on se découvre en tant que parents. Et ça peut ne pas nous plaire parfois. J'imaginais, par exemple, qu'il serait plus affirmé, plus strict et donc on découvre l’autre sous un jour sous lequel on n’a pas forcément envie de le découvrir. Ça change beaucoup de chose dans le regard que l’on porte sur l’autre. Lui a une idée de la famille hyper forte, moi pas, il veut que l’on fasse tout ensemble, moi pas. C'est tout ça qui se déconstruit pour se reconstruire autrement. Et puis il faut s’habituer à cet homme différent et à ces enfants différents, parce que ce ne sont pas les mêmes quand on n’habite pas ensemble. Je ne vivais pas leur insolence, certains caprices ou leur colère avant de vivre avec eux.
La grosse erreur qu’on a faite -pourtant je suis psy et donc je le sais- avant d'emménager ensemble c’est de ne pas du tout communiquer sur nos attentes. C’était un projet joyeux, tout le monde était super content, il y avait un vrai engouement, mais pris dans cet élan, on a zappé l’étape cruciale de discuter des limites que l’on pose, de ce que l’on accepte ou pas. On s’est retrouvés très rapidement face à des conflits chaque semaine parce qu’on a raté cette étape. On n’a pas pensé à le faire en imaginant que parce que ça se passerait bien au vu des week-ends et des vacances que l’on passait ensemble. Il faut aussi communiquer sur la place de chacun. Aujourd’hui, on essaie de réparer ça, on a consulté en thérapie familiale pour que chacun exprime ses difficultés dans cette nouvelle composition.
Typiquement si un enfant est insolent qui réagit (le parent ? Le beau-parent ?), quelles sanctions on applique, quelles règles on fixe, est-ce que les règles sont différentes selon les enfants. Ça fait deux ans et demi qu’on vit sous le même toit, et on a enfin établi un ordre des douches, un planning des tâches, des écrans. Le samedi soir par exemple, le salon est réservé aux ados à partir de 21h. C’était hyper conflictuel pour des petites choses et ça va mieux depuis qu’on est organisés. Avec trois enfants, on ne peut pas faire de l'improvisation, on a donc mis en place des principes clairs et simples. Ça ne veut pas dire que c’est facile, mais on s’évite plein de conflits et de négociations. On redoutait le vendredi soir, le conflit éclatait systématiquement ce soir-là et on se faisait la gueule tout le week-end. On anticipait “c’est vendredi, il va y avoir un truc on va se disputer”, on était à l'affût et ça ne loupait pas. Maintenant, on ne le redoute plus !
L’autre sujet c’est aussi ce que mon mari attend de moi. Je me suis fait des idées sur la place qu’il attendait que je prenne. Comme je trouvais que ses enfants étaient en manque affectif, je me suis surinvestie pour venir combler des manques, mais je ne peux et ne veux pas remplacer qui que ce soit. Je me suis un peu leurrée sur ce qu’il attendait de moi même si je pense qu’il a pas mal d’attentes. Son fils entre en sixième l’année prochaine et c‘est une évidence pour mon mari que c’est à moi de gérer les devoirs. Il m’a dit “J’aurai besoin de toi l’an prochain pour gérer les devoirs de mon fils”. Sans que je remplace la maman, il voudrait que je sois très présente, investie. Il voudrait que je joue le beau rôle mais moins le mauvais. Que je sois là pour être maternante ou pour régler un conflit mais surtout beaucoup moins pour dire quand ça ne va pas ou faire une réflexion. Et ça, ça a pu poser problème. Je vais donc devoir le faire mais mon fils n’étant pas encore très autonome, ce sera du boulot et je redoute déjà de m’arracher les cheveux. Mon mari a ajouté “mais si c’était ton fils tu serais là pour lui, donc pourquoi ce serait différent?”. J’ai compris ce qu’il voulait dire, en effet je ne me poserais pas la question.
Je sais, pour lui c’est une évidence, et je culpabiliserais de ne pas le faire. Moi ça ne me dérangerait pas qu’il ne gère pas mon fils, c’est d’ailleurs ce qui se passe, il est moins investi en tant que beau-père que moi en tant que belle-mère. Je ne lui demanderais jamais (sauf cas exceptionnel) de gérer les devoirs de mon fils. Mais c’est vrai qu’il attend que je sois avec ses enfants comme je suis avec mon fils, alors que l’inverse n’est pas vrai.
Je pense que c’est aussi la société qui attend beaucoup des femmes, même d’une femme qui n’a pas d’enfant. On attend d’elle qu’elle soit maternelle mais c’est à nous de rappeler aux hommes avec lesquels on vit que l’on n’a pas forcément à prendre cette place-là. Mais on doit aussi faire un travail sur nous, sur l’image que l’on a de ce que l’on doit être, pour déculpabiliser et accepter d'être dans un rôle un peu différent de ce qu’on imagine. Peut être que ta newsletter ou certains sites sont une bonne solution à des mal-être, car ce genre de récits montre une réalité que l’on ne voit pas beaucoup. L’une des solutions c’est de libérer la parole, le travail est plus largement sociétal car on n’attendra jamais d’un beau-père qu’il soit dans les mêmes fonctions qu’une belle-mère par exemple.
Je pense que le cliché joue énormément sur les belles-mères que l’on est. On a à cœur de déconstruire cette image de la marâtre des contes de fées. Mais ce n’est pas juste ça. Je crois aussi que notre estime de nous en tant que femmes repose beaucoup trop sur ce que les autres renvoient de nous et ça, c’est basé sur les efforts que l‘on va déployer. On tombe donc dans ce piège qui veut que pour avoir une meilleure estime de nous, on soit ultra dévouées. Mais c’est un piège et ça alimente cette idée qu’il faut en faire toujours plus, toujours, mieux. Je suis d’accord pour condamner la société, la dureté des beaux-enfants, les pères qui ont trop d’attentes mais on a aussi un travail en tant que femmes à faire sur ça. On peut être quelqu’un de bien même si on estime ne pas être une bonne belle-mère.
Je ne trouve pas toujours que je sois une bonne belle-mère : je peux crier par exemple, et avec ma casquette de psy, je me condamne d’autant plus en me disant que là, je suis vraiment mauvaise. Parfois, j’aurais à cœur d’aimer mes beaux-enfants comme j’aime mon fils, mais il y a une résistance, et je ne peux pas les aimer pareil. Je ne vois pas comment ne pas faire de différence. Mais sur cette question de l’amour d ‘ailleurs, on peut ne pas aimer d’amour ses beaux-enfants mais être une formidable belle-mère, dans une relation respectueuse et affectueuse.
Je suis investie comme il faut. Je vais voir les compétitions de sport, je les aide pour les devoirs, on fait la cuisine ensemble, des jeux de société donc je suis toujours investie mais c’est une relation qui me convient mieux. Je me sens moins oppressée, moins stressée, moins débordée parce que j’ai décidé de moins me mettre la pression, moins me mettre dans un rôle d’autorité aussi. Ce n’est plus moi qui gère, j'interviens si c’est extrême mais je laisse leur père prendre sa place. Depuis que je fais ça, je vis ma belle-maternité moins mal !
En effet, je ne la vis pas forcément bien parce que je culpabilise de ne pas être une assez bonne belle-mère et de l'énergie dont je suis capable de faire preuve vis-à-vis de mon fils et dont je ne suis pas capable de la même manière avec mes beaux-enfants. Ce décalage est visible et perceptible, ça m’est renvoyé d’ailleurs. Je ne peux pas leur apporter la même chose, je n’ai pas envie de leur apporter la même chose mais ce n’est pas évident. Je les vois plus que leur maman, donc ils m’entendent plus souvent crier, râler, etc. Je n’ose même pas imaginer ce qu’ils disent sur moi. C’est dur d’imaginer qu’ils ne pourraient retenir que cette partie là de moi alors que je fais plein de choses pour eux.
Oui, depuis quelques mois. Elle a essayé de vivre avec eux, mais ça n’a pas fonctionné. Je ne suis pas du tout jalouse d’elle, je préfère que mon fils s’entende bien avec sa belle-mère parce que j’aurais l’esprit tranquille de savoir qu’il a quelqu’un qui répond à ses besoins, qu’elle est cool… mais je dis ça parce qu’il a 11 ans, si il avait 2 ou 3 ans, ce serait peut-être plus dur. En tout cas, je ne vois pas une belle-mère comme une rivale en termes de maternité. J’ai dit à mon fils que j’espérais pour lui qu'il l’apprécierait, que ce serait mieux qu’il s’entende bien avec elle. Et c’est important de pouvoir dire à nos enfants qu’ils ont le droit d’aimer leur beau-parent.
Ça revient à ce que je disais plus tôt : communiquer sur nos attentes, nos principes éducatifs avant d'emménager ensemble. On n’arrivait vraiment pas à communiquer et nos enfants ont souffert de ça, communiquer clairement et ouvertement sur nos attentes, c’est une des clés. Et l’autre clé c’est le couple solide, mais là aussi, ça nécessite de beaucoup communiquer. Une dernière chose aussi : souvent, en tant que belle-mère, on a tendance à prendre très personnellement les remarques parfois désagréables qu’on peut se prendre de la part des beaux-enfants. Mais c’est notre fonction qui est titillée, pas notre personne, pas notre individualité. On est remises en question dans le rôle qu’on joue car on leur rappelle en permanence que leur maman est séparée de leur papa.
Habituellement, je ne vous dis volontairement pas quel métier font les belles-daronnes que j’interroge, parce que l’information ne me semble vraiment pas cruciale à l’heure où notre rapport au travail est en pleine révolution et aussi, parce que j’estime que ça ne dit pas toujours grand chose de nous. Mais là, c’est différent. Emmanuelle est psychologue et a écrit des articles pour le très utile site Les Nichées, que je vous invite à lire :